Une passerelle piétonne entre Beauzelle et Fenouillet pour 2029

Le projet de passerelle entre Beauzelle et Fenouillet redessine l'avenir des deux rives

Toulouse - Environnement - Morgane Caillière le 15/12/2025

Une étape décisive vient d'être franchie pour le désenclavement du Nord toulousain. Le 4 décembre dernier, le Bureau de Toulouse Métropole a officiellement acté le lancement de la concertation pour la création d'une passerelle piétonne entre Beauzelle et Fenouillet (délibération DEL-25-0913).

Ce vote marque un tournant : le projet quitte la sphère des vœux pieux pour entrer dans sa phase opérationnelle. Alors que le pont de Gagnac s'apprête lui aussi à faire peau neuve, décryptage d'une accélération qui promet de transformer les mobilités et l'immobilier des deux rives.

Le constat d'urgence : un goulet d'étranglement

Pour saisir l'importance de ce futur lien, il faut analyser les chiffres du présent. Le pont de Gagnac-sur-Garonne (route métropolitaine RM 63) est un ouvrage vital mais à bout de souffle. Construit en 1964, il voit passer chaque jour 23 000 véhicules, dont 4 % de poids lourds, selon les comptages de la Direction de la Voirie de Toulouse Métropole.

Au-delà de la saturation aux heures de pointe, l'ouvrage souffre d'une pathologie structurelle irréversible : la corrosion des câbles de précontrainte du tablier. Mise en évidence lors des inspections techniques, cette dégradation concerne des éléments essentiels de l'ouvrage. Si la sécurité immédiate est assurée par une surveillance renforcée via des capteurs, la pérennité du pont n'est plus garantie au-delà de quelques années.

C'est ce diagnostic technique qui a déclenché le calendrier des travaux. Toulouse Métropole a validé un budget de 17 millions d'euros pour une opération chirurgicale complexe : la déconstruction totale du tablier et sa reconstruction sur les piles existantes, renforcées pour l'occasion.

La réponse technique : une "passerelle" greffée au pont routier

L'opportunité de cette reconstruction est saisie pour corriger l'anomalie majeure de l'ouvrage actuel : l'absence totale de sécurisation pour les modes doux. Actuellement, traverser le pont à vélo ou à pied relève de la gageure, les usagers frôlant les camions sur une chaussée étroite.

Le projet validé, dont les travaux préparatoires sont attendus pour 2027, prévoit l'élargissement du futur tablier. Il intégrera, en encorbellement, deux bandes cyclables de 2 mètres de large, une de chaque côté, physiquement séparées du flux automobile par une barrière de retenue.

Concrètement, cette voie fera office de première "passerelle". Elle permettra de connecter le Réseau Express Vélo (REV) de la rive gauche aux itinéraires cyclables de la rive droite. Pour les techniciens de la Métropole, cette solution pragmatique permet de traiter simultanément l'urgence sécuritaire (le pont qui se dégrade) et l'urgence fonctionnelle (la continuité cyclable).

Décembre 2025 : La Métropole lance officiellement la concertation

Si la rénovation du pont routier était acquise, le projet d'une passerelle "nature" autonome (indépendante du trafic routier) restait jusqu'alors une ambition politique portée par les maires. Le dossier vient toutefois de connaître une avancée administrative majeure.

Le 4 décembre 2025, le Bureau de Toulouse Métropole a inscrit à son ordre du jour la délibération DEL-25-0913, intitulée « Grand Parc Garonne – Aménagement d’une passerelle sur la Garonne entre Beauzelle et Fenouillet ». Ce texte valide officiellement l'ouverture et les modalités de la concertation publique. Il ne s'agit plus ici d'un simple vœu, mais du démarrage de la procédure opérationnelle.

Cette étape fixe la feuille de route pour les mois à venir. Une concertation réglementaire sera organisée courant 2026 pour définir le tracé exact et recueillir l'avis des riverains. Le bilan de cette consultation devra ensuite être arrêté par le Conseil de la Métropole. Si les feux passent au vert à l'issue de ces étapes administratives, le début des travaux pour cet ouvrage spécifique est désormais planifié pour 2028.

L'ambition politique : relier les poumons verts

C'est ici qu'intervient le volet qui intéresse particulièrement les prospectivistes de l'immobilier. Les municipalités de Beauzelle et Fenouillet portent une vision plus large : celle d'une passerelle "modes doux" autonome, déconnectée du bruit et de la pollution routière, reliant directement les cœurs de ville et les zones de loisirs.

Cette volonté a été formalisée par un acte politique fort. Le 7 février 2022, le Conseil Municipal de Beauzelle a voté à l'unanimité une délibération inscrivant ce projet comme une priorité du plan guide "Beauzelle 2030". Le texte demande officiellement à la Métropole d'étudier la faisabilité d'un ouvrage d'art dédié, situé plus au sud du pont routier.

L'objectif est de relier deux espaces naturels majeurs :

Ce projet s'inspire directement des réalisations récentes au centre de Toulouse. Les élus citent en exemple la passerelle Anita Conti, inaugurée le 22 juin 2024 entre le quartier Empalot et l'île du Ramier. D'un coût avoisinant les 10 à 12 millions d'euros, cet ouvrage a démontré qu'un franchissement piéton pouvait transformer la physionomie d'un quartier en moins d'un an.

Côté Fenouillet, la demande est appuyée par les résultats de la "Grande Consult'Action". Cette vaste enquête citoyenne a placé les "liaisons douces vers la rive gauche" (accès au Tramway et à Airbus) en tête des priorités des habitants.

Immobilier : vers une fusion des marchés ?

Pour les professionnels de l'immobilier neuf et de la transaction, la concrétisation de ces liaisons (d'abord sur le pont routier, puis potentiellement via une passerelle dédiée) est un signal fort. Elle tend à unifier deux marchés historiquement distincts.

Une attractivité renforcée pour Fenouillet

Historiquement, Fenouillet affiche des prix au m² inférieurs à ceux de sa voisine d'outre-Garonne. Selon les données des Notaires de France, l'écart moyen se situe entre 300 et 500 euros du m².

  • Prix moyen appartements anciens (2024) : ~2 650 €/m² à Fenouillet contre ~3 200 €/m² à Beauzelle.

La création d'un lien cyclable sécurisé et rapide (moins de 10 minutes) vers le bassin d'emploi d'AéroConstellation et le terminus du Tram T1 change la donne. Fenouillet devient une base arrière crédible pour les salariés d'Airbus ou de Safran, cherchant des surfaces plus grandes ou des maisons individuelles à un prix plus accessible, tout en conservant la possibilité du "vélotaf". Les programmes neufs du secteur (quartier Piquepeyre ou Cœur de Ville) intègrent déjà cet argumentaire de "proximité connectée".

Beauzelle : combler le déficit de services

Pour les résidents de Beauzelle, notamment ceux du quartier Barricou ou du vieux centre, la passerelle offre un accès aux commodités qui font défaut sur la rive gauche. La zone commerciale de Fenouillet (cinéma, grandes surfaces de bricolage, galerie marchande) devient accessible sans voiture. Cela renforce la valeur d'usage des biens beauzellois, qui combinent déjà cadre de vie verdoyant et calme résidentiel.

Les agents immobiliers locaux anticipent une valorisation des biens situés dans un rayon de 1 km autour des têtes de pont, suivant la logique observée à Toulouse : la proximité immédiate d'une voie verte structurante peut valoriser un bien de 5 à 10 %.

Les défis environnementaux et le calendrier

Si la rénovation du pont de Gagnac est actée (livraison espérée vers 2028 après une phase critique de travaux et de fermeture), le projet de passerelle autonome reste conditionné aux études environnementales.

Le secteur est classé en zone Natura 2000. La Garonne y est large et son lit mineur abrite des espèces protégées. Toute construction devra montrer patte blanche. Les techniques envisagées privilégient des ouvrages à faible impact, sans pile en rivière si possible, ou avec des travaux réalisés hors périodes de migration des poissons et de nidification des oiseaux.

De plus, la question du financement reste centrale. Avec un coût estimé entre 8 et 12 millions d'euros pour une passerelle piétonne (basé sur les coûts de la passerelle Anita Conti), l'arbitrage budgétaire de la Métropole sera décisif. Les maires espèrent voir les études techniques validées avant la fin du mandat actuel (2026) pour une inscription au budget du mandat suivant.

Une vision métropolitaine : Le Grand Parc Garonne

Au final, qu'il s'agisse de l'élargissement du pont routier ou du rêve d'une passerelle nature, ces projets s'inscrivent dans une vision cohérente : le "Grand Parc Garonne". Ce schéma directeur vise à faire du fleuve non plus une barrière administrative ou physique, mais l'épine dorsale de la métropole.

En reliant le nord toulousain, ces infrastructures complètent le maillage commencé au centre-ville. Elles préparent le territoire à l'horizon 2030-2040 : une métropole où l'on pourra remonter la Garonne de Toulouse à Saint-Jory à vélo, en passant d'une rive à l'autre sans croiser un camion. Pour l'heure, les riverains devront faire preuve de patience, notamment durant la phase "noire" des travaux du pont de Gagnac, avant de pouvoir profiter de cette nouvelle liberté de mouvement.

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