
Qui est Vincent Jeanbrun, le nouveau ministre du Logement qui veut réformer les HLM ?
Vincent Jeanbrun, 41 ans, député du Val-de-Marne et ancien maire de L'Haÿ-les-Roses, a été nommé ministre de la Ville et du Logement dans le gouvernement Lecornu II, formé dimanche 12 octobre 2025.
Sa nomination intervient dans un contexte de crise politique aiguë, après que Sébastien Lecornu a présenté sa démission qui n'avait tenu que 14 heures, un record de brièveté sous la Ve République. Exclu des Républicains pour avoir accepté ce poste, ce proche de Valérie Pécresse porte un projet controversé de réforme du logement social, prônant la fin du "logement à vie" et un système de baux renouvelables tous les trois ans.
La crise gouvernementale d'octobre 2025
La nomination de Vincent Jeanbrun intervient au terme de la séquence de chaises musicales d’octobre 2025. Le gouvernement Lecornu I est annoncé le 5 octobre 2025 après près de quatre semaines de consultations. Il démissionne le 6 octobre, dans un contexte de contestation interne au sein du camp droite-centre. Parmi les critiques publiques figure celle de Bruno Retailleau, qui s’oppose à la composition annoncée. Emmanuel Macron reconduit Sébastien Lecornu le 10 octobre. La nouvelle équipe, Lecornu II, est présentée le 12 octobre 2025 ; des personnalités présentes dans l’éphémère Lecornu I, comme Bruno Retailleau ou Élisabeth Borne et Manuel Valls, ne sont pas reconduites.
Cette instabilité réactive un constat porté depuis plusieurs années par les professionnels du logement. Le 10 septembre 2025, Olivier Salleron (Fédération française du bâtiment) déclarait avoir « connu six ministres du Logement en cinq ans et demi ».
Qui est Vincent Jeanbrun ?
C'est dans ce contexte troublé que Vincent Jeanbrun, 41 ans, a été nommé ministre de la Ville et du Logement.
Né à Paris mais ayant grandi dans les "barres HLM" de L'Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun connaît intimement les réalités du logement social. Après avoir effectué sa scolarité secondaire à Fresnes, il poursuit des études dans une école de commerce à Évry avant de s'engager en politique. En 2004, il adhère à l'UMP et devient rapidement l'assistant parlementaire de Valérie Pécresse en 2012, après avoir été repéré par Roger Karoutchi.
Sa carrière politique locale prend une nouvelle dimension en 2014 lorsqu'il devient maire de L'Haÿ-les-Roses à seulement 32 ans, faisant de lui le plus jeune maire d'une commune de plus de 30 000 habitants en France. Il multiplie ensuite les mandats : conseiller départemental du Val-de-Marne (2015), conseiller régional d'Île-de-France (2015), puis député de la 7e circonscription du Val-de-Marne depuis 2024. .
Cette nomination ministérielle a eu un coût politique immédiat : Vincent Jeanbrun a été exclu des rangs de LR (Les Républicains) dès sa nomination, comme les 5 autres membres du parti de Bruneau Retailleau, entrés au gouvernement Lecornu II.
Des positions déjà affirmées qui font débat
Avant sa nomination, Vincent Jeanbrun avait déjà fait du logement social son cheval de bataille, avec une approche qui ne manque pas de susciter des polémiques. En juin 2025, alors qu'il était député du Val-de-Marne, il avait présenté un plan ambitieux pour les banlieues intitulé "Réparer les quartiers - Rétablir la République", qui contenait des mesures controversées sur le logement social.
Sa philosophie se résume dans une formule choc : "le logement social doit être une chance, pas une rente". Concrètement, le ministre propose de mettre fin au logement social à vie en instaurant un système de bail renouvelable tous les trois ans, avec une réévaluation régulière de la situation des locataires en fonction de leurs revenus et conditions familiales.
Le ministre défend également d'autres mesures sécuritaires : multiplication de la vidéosurveillance dans les parcs sociaux, interdiction du paiement en liquide des loyers pour lutter contre l'économie souterraine, et instauration d'un "plafond anti-ghetto" limitant à 30% la proportion de logements sociaux par commune.
Ces propositions s'appuient sur son expérience personnelle dans les HLM de L'Haÿ-les-Roses, qu'il évoque régulièrement pour légitimer ses positions. Jean-Claude Driant, professeur émérite à l'École d'urbanisme de Paris, estime que cette proposition révèle une méconnaissance du fonctionnement actuel du logement social. "C'est oublier que tous les trois ans, les bailleurs sociaux contrôlent les revenus de leurs résidents et des compléments de loyers sont imposés à ceux qui dépassent les plafonds", souligne-t-il, rendant selon lui la réforme largement redondante.
Les attentes du secteur immobilier : entre espoir et circonspection
Le secteur de l'immobilier français observe avec attention l'arrivée de Vincent Jeanbrun et espère enfin une stabilité ministérielle après des années de valse des responsables.
Les professionnels du bâtiment et de l'immobilier attendent notamment des clarifications sur les mesures concernant le statut du bailleur privé, enjeu crucial pour relancer les ventes de logements neufs dans un contexte de marché tendu.
Les promoteurs et investisseurs observent avec attention les futures orientations du ministre, espérant des mesures incitatives sur la fiscalité de l'investissement locatif et les dispositifs d'aide à l'acquisition. Les taux d'intérêt élevés et les nouvelles réglementations ayant considérablement freiné l'activité, le secteur attend des signaux forts pour redynamiser l'investissement.
Les associations de locataires, quant à elles, redoutent que la philosophie du "logement social temporaire" ne fragilise la sécurité résidentielle des ménages modestes et ne créée une précarité supplémentaire pour les plus vulnérables.
Dans ce contexte tendu, l'enjeu pour Vincent Jeanbrun sera de parvenir à concilier ses ambitions réformatrices avec les réalités du terrain et les attentes contradictoires des différents acteurs du secteur. Son succès dépendra largement de sa capacité à transformer ses annonces en politiques concrètes et efficaces, tout en maintenant la cohésion d'un secteur déjà fragilisé.