Budget 2026 : Un accord transpartisan pour relancer le logement

Statut du bailleur privé & RLS : un accord pour le budget du logement 2026

Toulouse - Politique - Morgane Caillière le 28/10/2025

Le 24 octobre 2025, un front transpartisan s’est constitué à l’Assemblée nationale autour du budget du logement 2026. Les compromis portent sur la définition du statut fiscal du bailleur privé et sur l’allégement du prélèvement pesant sur les bailleurs sociaux, avec en toile de fond la Réduction de loyer de solidarité (RLS).

Ce double compromis, porté par des députés d’Horizons, du MoDem, de Liot, d’Ensemble pour la République, du Parti socialiste, du Parti communiste et des Écologistes, espère détendre un marché locatif sous pression et un logement social aux abois. Tout se joue désormais sur le terrain budgétaire, sous l’autorité de Bercy.

Un amortissement de 3.5% pour 80% de la valeur du logement

Au cœur de cet accord : la création d'un statut du bailleur privé , une mesure fiscale destinée à inciter les particuliers à investir dans la location résidentielle. François Jolivet, député Horizons, défend une "intervention de manière collective" autour d'une "position la plus proche possible" face à ce qu'il qualifie de "sujet tellement important".

Le statut du bailleur privé 2026 prévoit un amortissement fiscal forfaitaire de 3,5% par an circonscrit à 80% de la valeur du logement, plafonné à 10 000 euros par an et dans la limite de deux logements par foyer. Cette mesure s'accompagne toutefois de contreparties sociales : les propriétaires devront fixer un loyer inférieur au plafond des logements intermédiaires et louer à des ménages sous un certain niveau de revenus.

Cette proposition consensuelle émane d'un travail de synthèse entre la proposition de l'ancienne ministre du Logement Valérie Létard, complétée des contreparties pour les locataires proposées par François Jolivet.

Un amendement gouvernemental globalement fustigé

Le compromis transpartisan s'inspire du rapport parlementaire qui préconisait initialement 5% par an pour le neuf et 4% par an pour l'ancien avec au moins 15% de travaux, sur une durée de 20 ans. Un système de bonus progressifs de 0,5% à 1,5% était prévu pour récompenser les bailleurs proposant des loyers sociaux ou très sociaux.

Les députés se sont "globalement rangés derrière" cette approche après avoir été "insatisfaits de l'amendement déposé par le gouvernement", selon Le Moniteur. Cet amendement gouvernemental ne proposait en effet qu'un amortissement de 2% par an avec un plafond de 5 000 euros annuels, se concentrant exclusivement sur le neuf et excluant le parc ancien.

La Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) avait dénoncé un "pansement sur une hémorragie" et un "énième rendez-vous manqué", jugeant la mesure "largement insuffisante au regard de la gravité de la crise".

La RLS, pierre d'achoppement des finances du logement social

Inaki Echaniz, député socialiste des Pyrénées-Atlantiques, conditionne son soutien au statut du bailleur privé à "un engagement sur la RLS", considérant que "la première mesure ne va pas sans la seconde".

Ce prélèvement sur les recettes des bailleurs sociaux a été mis en place au début du premier mandat d'Emmanuel Macron et doit repartir à la hausse en 2026. La mesure avait été conçue pour compenser la baisse des APL et générer des économies budgétaires pour l'État, mais son impact grève les finances des bailleurs sociaux depuis 2018.

Les députés souhaitent voir ce prélèvement diminué à 700 millions d'euros, contre 1,4 milliard d'euros prévus en 2026, selon le calcul de l'Union sociale pour l'habitat.

L'impact financier de la RLS sur les bailleurs sociaux

La RLS représente un enjeu financier central pour le secteur HLM. Selon Emmanuelle Cosse, présidente de l'Union sociale pour l'habitat, "les plus de 10 milliards qui ont été prélevés au secteur [via la RLS] pour alimenter le budget de l'État entravent aujourd'hui nos capacités d'investissement", alors qu'il serait nécessaire de construire "110 000 logements par an".

À côté de la RLS, l’équation 2026 s’alourdit par deux leviers. D’un côté, le FNAP (fond national d'aide à la pierre), qui finance les subventions à la construction/réhabilitation, serait davantage alimenté par les organismes HLM via la CGLLS (caisse de garantie du logement locatif social) : des pistes parlementaires portent l’effort jusqu’à 375 M€ en 2026 pour compenser la baisse des apports publics, dans la continuité des alertes du Sénat sur un fonds sous-doté depuis plusieurs années.

D’autre part, le budget alloué aux rénovations du parc social qui chiffrait à 200M en 2025 est littéralement absent du budget 2026.

Si ces trois mesures budgétaires devaient être maintenues, les prélèvements atteindraient "le niveau record de 2,175 milliards d'euros" et la contribution des organismes HLM au budget de l'État s'élèverait, depuis 2017, à plus de 16 milliards d'euros.

Une crise du logement multifacette

Ces mesures interviennent dans un contexte de crise profonde du secteur. Selon la Fondation Abbé Pierre, plus de 2,7 millions de ménages étaient en attente d'un logement social mi-2024, un chiffre record, alors que la production de logement continue de chuter, avec 259 000 logements mis en chantier en 2024, dont seulement 82 000 logements sociaux financés, le pire résultat depuis 20 ans.

Les dernières statistiques officielles confirment cette tendance. De février 2024 à janvier 2025, 332 100 logements ont été autorisés à la construction, soit 42 900 de moins que lors des douze mois précédents (-11,4%) et 28% de moins qu'au cours des 12 mois précédant la crise sanitaire.

La situation sociale se dégrade parallèlement. 30% des ménages ont eu froid dans leur logement en 2024, contre 14% en 2020. 350 000 personnes sont sans domicile : ce chiffre a plus que doublé depuis 2012.

En 2025, la crise du logement en France atteint un seuil particulier : 3,1 millions de logements sont vides, pendant que 4 millions de personnes vivent en situation de mal-logement, dont 350 000 sans abri.

Des perspectives d'avenir conditionnées à la volonté politique

L'accord transpartisan constitue une avancée, mais sa concrétisation dépendra de la capacité du gouvernement à intégrer ces propositions dans un contexte budgétaire contraint. La confirmation du "désengagement" de l'État dans le financement du Fonds national des aides à la pierre (Fnap) montre les arbitrages difficiles qui attendent l'exécutif.

L'enjeu dépasse la seule dimension technique : il s'agit de redéfinir l'équilibre entre intervention publique et initiative privée dans la production de logements. La réussite de ce pari transpartisan pourrait ouvrir la voie à une nouvelle approche de la politique du logement, plus pragmatique et moins clivante, capable de mobiliser l'ensemble des acteurs face à la crise.

Lire "Statut du bailleur privé & RLS : un accord pour le budget du logement 2026" sur ToulouseIMMO9