Rennes propose de surélever les immeubles pour endiguer la crise du logement et l’étalement urbain
Face à l'urgence d'une crise du logement toujours plus pressante et à l'impératif de limiter l'étalement urbain, Rennes Métropole explore des solutions innovantes et durables. Parmi elles, la surélévation des bâtiments se dessine comme une réponse prometteuse aux défis contemporains de l'urbanisme. Cette stratégie vise à répondre à la double exigence de densifier l'habitat urbain tout en préservant les espaces naturels et agricoles, en parfaite adéquation avec les objectifs de la loi Zéro Artificialisation Nette (ZAN).
Dans un contexte où l'on anticipe une augmentation significative de la population locale, nécessitant la création de milliers de nouveaux logements dans la métropole rennaise d'ici 2035, surélever les immeubles apparaît non seulement comme une solution à la pénurie de logements mais aussi comme un levier pour une ville plus verte et plus inclusive. Nous verrons ici en détails pourquoi Rennes envisage la surélévation des bâtiments comme solution, en examinant ses potentiels, les défis qu'elle soulève et les perspectives qu'elle ouvre pour un développement urbain renouvelé et respectueux de l'environnement.
Surélever les bâtiments rennais pour répondre à un contexte compliqué
La crise du logement à Rennes
Rennes fait face à une pression démographique croissante ces dernières années. Avec une population en constante augmentation, la demande de logements neufs dépasse largement l'offre disponible, plongeant la ville dans une crise du logement exacerbée, au même titre que les autres métropoles françaises.
Les statistiques révèlent une métropole qui doit s'adapter rapidement : d'ici 2035, Rennes prévoit d'accueillir près de 75 000 nouveaux habitants, ce qui nécessitera la construction de 65 000 nouveaux logements pour répondre à cette demande croissante. Cette situation exacerbe l'urgence de trouver des solutions innovantes pour augmenter l'offre de logements sans pour autant étendre davantage la ville sur les espaces naturels et agricoles environnants.
L'étalement urbain et ses conséquences
L'étalement urbain, caractérisé par l'extension des zones bâties en périphérie des villes, soulève d'importantes préoccupations environnementales. Outre la consommation excessive de terres agricoles, il contribue à la fragmentation des habitats naturels, à l'augmentation des émissions de CO2 dues aux déplacements motorisés et à la réduction de la biodiversité. Face à ces enjeux, la loi ZAN (Zéro Artificialisation Nette) s'impose comme un cadre législatif ambitieux visant à limiter l'empreinte écologique de l'urbanisation.
Adoptée dans le cadre de la Loi Climat et Résilience d'août 2021, elle fixe comme objectif de diviser par deux la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers d'ici 2031, par rapport à la décennie précédente. D’ici 2050, chaque mètre carré artificialisé devra être compensé par la même surface renaturée. Pour Rennes, cela signifie de repenser son modèle de développement urbain pour concilier croissance démographique et préservation des espaces naturels et des terres agricoles, qui représentent 78% du territoire.
La surélévation des bâtiments comme solution
La surélévation consiste à ajouter un ou plusieurs étages supplémentaires à des bâtiments existants, une pratique qui s'inscrit dans une logique de densification urbaine respectueuse de l'environnement. Cette approche présente plusieurs avantages non négligeables :
D'abord, elle permet de créer de nouveaux logements sans consommer d'espace foncier supplémentaire, répondant ainsi directement à l'objectif de la loi ZAN.
Ensuite, elle offre l'opportunité de rénover et moderniser le parc immobilier existant, améliorant par là même l'efficacité énergétique des bâtiments et contribuant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Enfin, la surélévation favorise une harmonie architecturale et une intégration urbaine soignée, en veillant à respecter le paysage et le patrimoine bâti des villes.
Exemples et initiatives à Rennes
À Rennes, plusieurs projets de surélévation ont déjà vu le jour, démontrant le potentiel de cette solution. Parmi eux, la surélévation des Galeries Lafayette en 2017 se distingue comme un exemple réussi, combinant création de logements et respect de l'esthétique architecturale.
Forte de ces expériences, la Métropole de Rennes a lancé une étude ambitieuse pour évaluer le potentiel de surélévation à l'échelle de la ville. L'objectif est d'identifier les bâtiments candidats à la surélévation, en tenant compte des contraintes techniques, architecturales et réglementaires.
« Nous devons répondre à un objectif environnemental qui est de pouvoir se passer de l'extension urbaine et de la construction dans les territoires agricoles, et continuer à répondre à la demande de besoins (de logements) qui est encore très forte sur la métropole »
Marc Hervé, conseiller métropolitain délégué aux formes urbaines
Une telle ambition urbaine n’est pas sans contraintes à prendre en compte
La mise en œuvre de projets de surélévation à Rennes, bien que prometteuse, a son lot de défis. Sur le plan technique, chaque bâtiment candidat à la surélévation doit faire l'objet d'une évaluation approfondie pour s'assurer que sa structure peut supporter le poids supplémentaire. Cette analyse complexe nécessite l'intervention d'experts en ingénierie et en architecture, capables de concevoir des solutions innovantes qui respectent à la fois la stabilité du bâtiment et son intégration esthétique dans l'environnement urbain existant.
D'un point de vue réglementaire, la surélévation des bâtiments à Rennes doit naviguer dans un cadre législatif et normatif strict. Le Plan Local d'Urbanisme intercommunal (PLUi) actuel impose des limites et des conditions spécifiques qui peuvent restreindre les possibilités de surélévation. La ville envisage donc d'adapter ces règles pour faciliter et encourager cette pratique. Cela implique un dialogue constructif entre les autorités municipales, les architectes, les promoteurs immobiliers et les habitants, afin d'élaborer des normes qui soutiennent l'objectif de densification urbaine tout en préservant la qualité de vie et le patrimoine architectural de Rennes.
Acceptation sociale et impact sur les habitants
Au-delà des aspects techniques et réglementaires, la surélévation des immeubles à Rennes soulève également des questions d'acceptation sociale. Les projets de densification urbaine, et particulièrement ceux qui modifient l'aspect des bâtiments existants, peuvent susciter des réactions mitigées de la part des résidents.
Il faut donc impliquer les communautés locales dès les premières étapes de la planification, en leur fournissant des informations claires sur les bénéfices de la surélévation, tant en termes de création de logements supplémentaires que d'amélioration de l'efficacité énergétique et de valorisation du patrimoine bâti.
La réussite de tels projets repose sur une communication transparente et sur la capacité à démontrer que la surélévation peut s'intégrer harmonieusement dans le tissu urbain, en apportant des améliorations tangibles à la qualité de vie des habitants. Des consultations publiques, des ateliers participatifs et des expositions de projets peuvent aider à dissiper les appréhensions et à construire un consensus autour de la valeur ajoutée de la surélévation pour la communauté.
Les avantages de la surélévation en termes développement durable
Intégration de matériaux écologiques
L'un des aspects les plus prometteurs de la surélévation à Rennes réside dans l'opportunité d'intégrer des matériaux écologiques et biosourcés dans les nouveaux étages. L'utilisation de bois, de paille, ou d'autres matériaux légers et à faible empreinte carbone, réduit non seulement le poids sur les structures existantes mais contribue également à la lutte contre le changement climatique. Ces matériaux, renouvelables et souvent locaux, favorisent une construction durable et s'inscrivent dans une logique d'économie circulaire.
La ville de Rennes, en envisageant l'usage de ces matériaux pour ses projets de surélévation, montre la voie vers un urbanisme plus vert. Cette démarche s'aligne avec les objectifs du Plan Local de l'Habitat (PLH) qui prévoit une augmentation significative du recyclage bâti (10% de recyclage d’ici 2028). Avec un objectif de 5000 logements neufs dans la métropole par an, Rennes peut ainsi adopter des solutions de construction innovantes, et réduire son empreinte environnementale tout en répondant aux besoins en logement de sa population croissante.
Vers un modèle urbain renouvelé
En plus de se présenter comme une réponse à la crise du logement et à l’impératif écologique, la surélévation des immeubles à Rennes incarne également une vision renouvelée de l'urbanisme, où densité et qualité de vie ne sont pas antinomiques mais complémentaires. En augmentant l'offre de logements dans les zones déjà urbanisées, la surélévation permet de revitaliser les quartiers, de renforcer la mixité sociale et de limiter les déplacements en voiture, contribuant ainsi à une ville plus vivable et plus cohésive.
Ce modèle urbain renouvelé repose sur une approche intégrée, qui considère la surélévation comme un élément d'une stratégie plus large incluant la rénovation énergétique, la végétalisation des espaces publics et la promotion des mobilités douces. En s'inscrivant dans cette perspective, Rennes peut devenir un exemple de métropole durable, capable de relever les défis du XXIe siècle.