
Un projet d’hôtel de luxe à Rennes renvoyé à l’étude par la justice
Le projet d’un hôtel de luxe porté par le groupe Blot dans le centre historique de Rennes se heurte à un sérieux obstacle juridique. Prévu boulevard de la Liberté, cet établissement quatre étoiles devait voir le jour dans un îlot urbain bordé de bâtiments patrimoniaux. Validé en première instance en 2023, le permis de construire a été contesté par des riverains préoccupés par son impact sur leur cadre de vie et le patrimoine architectural du quartier.
Le 11 février 2025, la cour administrative d’appel de Nantes a donné raison aux opposants en exigeant une révision du projet. Cette décision soulève des questions sur l’équilibre à trouver entre développement urbain et préservation du patrimoine rennais. Un nouveau chapitre s’ouvre pour ce projet ambitieux, désormais contraint de revoir sa conception pour espérer voir le jour.
Un hôtel de luxe au cœur de Rennes : Le projet initial et ses ambitions
Imaginé par le groupe immobilier Blot, le projet hôtelier entre tout-à-fait dans la dynamique de modernisation du centre-ville rennais. Situé entre le boulevard de la Liberté et la rue Descartes, cet établissement de luxe vise une clientèle haut de gamme avec ses 78 chambres, son restaurant gastronomique, ainsi qu’un espace bien-être comprenant spa et salle de fitness.
Avec une superficie totale de plus de 4 000 m², l’hôtel disposera de trois niveaux de parking souterrain, une rareté en plein cœur de Rennes. Son architecture, aux lignes contemporaines, contraste nettement avec les bâtiments environnants, notamment deux immeubles classés du XIXe siècle, reconnus pour leur valeur patrimoniale. L’un des éléments phares du projet est la présence de vastes terrasses et d’un rooftop, offrant une vue panoramique sur la ville.
Dès son dépôt en 2020, le permis de construire avait suscité des débats. Si la mairie de Rennes avait validé le projet, estimant qu’il s’intégrait dans une vision de renouvellement urbain, les riverains ont rapidement exprimé leurs inquiétudes. Outre les questions patrimoniales, certains habitants redoutaient une détérioration de leur cadre de vie, notamment une perte de luminosité pour les logements situés à proximité immédiate du futur bâtiment. Malgré ces contestations, le tribunal administratif de Rennes avait donné son feu vert en mai 2023. Mais l’affaire n’était pas close pour autant.
Les motifs du rejet par la justice
Le 11 février 2025, la cour administrative d’appel de Nantes a rendu une décision qui remet en question plusieurs aspects du projet. Les juges ont relevé trois irrégularités majeures, portant à la fois sur le respect du Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) et sur l’intégration architecturale du bâtiment dans son environnement historique.

Dépassement des règles de hauteur
L’un des principaux points de friction concerne le sixième étage du bâtiment principal, situé au 9 boulevard de la Liberté. Présenté comme un étage « partiel », il ne respecte pas les critères réglementaires permettant cette classification. En effet, selon le PLUi, un étage partiel ne doit pas dépasser 70 % de la surface de l’étage immédiatement inférieur. Or, dans ce projet, ce seuil était franchi, rendant l’argumentation du promoteur immobilier irrecevable.
De plus, la façade de ce dernier niveau était alignée avec celle de l’étage inférieur sur plus de 50 % de sa longueur, ce qui l’empêchait également de bénéficier du statut d’étage partiel. En conséquence, la cour a estimé que le bâtiment ne respectait pas la hauteur maximale autorisée dans le quartier, fixée à cinq étages, et a exigé que cet élément soit modifié.
Un problème d’insertion architecturale
Au-delà des considérations techniques, la justice a également pointé un manque d’harmonie entre le projet et les bâtiments patrimoniaux adjacents. L’architecture contemporaine, caractérisée par une toiture plate, des piliers visibles depuis la rue et des terrasses imposantes, tranchait radicalement avec les immeubles du XIXe siècle qui l’encadrent.
Dans sa décision, la cour souligne que ces éléments architecturaux créent une « nette rupture » avec le cadre existant et nuisent à la cohérence visuelle du quartier. Ce constat rejoint les arguments avancés par les riverains, qui craignaient que l’édifice ne dénature l’équilibre architectural du centre-ville rennais.
L'impact sur la qualité de vie des riverains
Enfin, la justice a pris en compte les préoccupations des habitants, qui dénonçaient une réduction importante de la luminosité dans leurs logements. La construction d’un immeuble de cette envergure, en plein cœur d’un îlot urbain déjà dense, risquait d’obstruer l’aération et l’éclairage naturel de plusieurs appartements situés à proximité.
Face à ces constats, la cour administrative d’appel de Nantes a ordonné un sursis à statuer de huit mois, laissant au groupe Blot la possibilité de revoir sa copie. Sans modifications conformes aux exigences du PLUi et aux attentes en matière d’intégration architecturale, le permis de construire pourrait être purement et simplement annulé.
Les réactions des acteurs concernés
La décision de la cour administrative d’appel de Nantes a suscité des réactions contrastées parmi les différentes parties prenantes du projet. Tandis que les riverains et les défenseurs du patrimoine se félicitent de cette victoire juridique, le groupe Blot et la municipalité de Rennes se retrouvent face à un dilemme : comment modifier le projet sans en compromettre la viabilité économique et architecturale ?
La satisfaction des riverains et des défenseurs du patrimoine
Pour les opposants au projet, cette décision représente une victoire dans leur combat contre une transformation jugée trop brutale du centre historique de Rennes. Dès 2020, des membres du collectif de l’îlot Magenta/Liberté/Descartes/Janvier avaient alerté sur cet enjeu. Delphine Dauphy, riveraine et membre active du collectif, exprimait alors ses craintes : Ce projet nie totalement l’habitabilité d’une centaine de logements. En construisant le centre de l’îlot, les logements existants vont être privés d’air et de lumière
.

Le collectif estime que la justice a reconnu la légitimité de leurs préoccupations. C’est une décision importante qui montre que l’on ne peut pas construire n’importe quoi, n’importe où, sans prendre en compte l’histoire et l’identité d’un quartier
, explique l’un des membres du collectif.
Outre les questions patrimoniales, la question de la qualité de vie reste bien évidemment au cœur des revendications des habitants. Beaucoup redoutent que la révision du projet ne se limite qu’à des ajustements mineurs et demandent un véritable dialogue avec le promoteur pour garantir que les modifications prendront en compte leurs besoins.
Un casse-tête pour le groupe Blot
Du côté du promoteur, la décision de justice est un revers qui oblige à revoir en profondeur la conception du projet. Le groupe Blot, à travers sa filiale SARL LH, doit désormais trouver un compromis entre les exigences de la cour et la rentabilité économique de l’hôtel.
Avec ses 4 300 m² de surface totale, l’établissement a été pensé pour offrir une expérience haut de gamme, notamment grâce à son restaurant, son espace bien-être et ses chambres spacieuses. La nécessité de supprimer ou de réduire fortement le sixième étage risque d’avoir un impact non négligeable sur l’équilibre financier du projet.
Un porte-parole du groupe Blot a réagi en indiquant que des études sont en cours pour adapter le projet aux exigences du tribunal, tout en conservant l’essence de l’établissement
. La question de l’architecture reste toutefois une vraie problématique, car les lignes contemporaines du bâtiment devront être retravaillées afin de mieux s’intégrer à l’environnement patrimonial du boulevard de la Liberté.
Une position délicate pour la municipalité
La mairie de Rennes se retrouve dans une position ambivalente. D’un côté, elle soutient les efforts de modernisation du centre-ville et voit dans ce projet une opportunité de dynamiser l’offre hôtelière haut de gamme. De l’autre, elle doit composer avec la préservation du patrimoine, un sujet particulièrement sensible auprès de la population et des associations locales.
Jusqu’à présent, la municipalité n’a pas remis en question son soutien au projet, mais elle attend désormais de voir quelles modifications seront proposées par le groupe Blot. Un élu local, interrogé sur la question, souligne que la ville doit trouver un équilibre entre développement et respect du cadre architectural existant
, ajoutant que toute nouvelle version du projet devra répondre aux exigences du PLUi et respecter l’identité du quartier
.

L’Hôtel-Dieu, un exemple de projet de réhabilitation réussi au cœur de Rennes
Un modèle de transformation urbaine réussi
Alors que le projet d’hôtel de luxe du boulevard de la Liberté rencontre des obstacles judiciaires, un autre programme de réhabilitation d’envergure avance à grands pas à Rennes : la transformation de l’Hôtel-Dieu. Ancien hôpital construit en 1858, ce site emblématique fait l’objet d’un vaste projet de réaménagement initié en 2017 et porté par Linkcity.
Contrairement au projet du groupe Blot, qui suscite une forte opposition, la reconversion de l’Hôtel-Dieu semble mieux acceptée par la population et les autorités. Cette transformation a été imaginée pour créer un véritable pôle de vie en trois îlots associant commerces, espaces culturels, loisirs et logements neufs à Rennes. La partie du bâti historique requalifié est en travaux depuis le mois d’avril 2024, et accueillera notamment un hostel de 250 lits, un espace de coworking de 2 800 m², trois restaurants, ainsi qu’un espace événementiel dans l’ancienne chapelle.
Un équilibre entre patrimoine et modernité
L’un des points clés de l’acceptabilité du projet de l’Hôtel-Dieu réside dans son respect du patrimoine existant. Plutôt que d’imposer un bâtiment au design contemporain en rupture avec son environnement, la réhabilitation intègre les structures historiques et les valorise. Des espaces publics seront aménagés pour favoriser les circulations piétonnes entre le centre-ville et les prairies Saint-Martin .
Une approche participative vs. un projet contesté
Un autre point de divergence entre les deux projets réside dans la manière dont ils ont été conçus et perçus par les habitants. La transformation de l’Hôtel-Dieu a été pilotée dans une dynamique de concertation avec les acteurs locaux et résidents. À titre d’exemple, cette semaine (février 2025), le projet a encore ouvert 5 nouveaux espaces à la commercialisation, dont 3 avec terrasses pour les restaurateurs.
À l’inverse, le projet du groupe Blot a été perçu comme une initiative avant tout commerciale, peu soucieuse de l’impact sur le cadre de vie des riverains. Ces derniers dénoncent notamment la densification excessive du quartier et la privatisation d’un espace qui, selon eux, aurait pu être repensé de manière plus inclusive.