Vitré présente un plan de 3000 logements neufs sur 6 ans

Le Pays de Vitré se lance dans un projet ambitieux avec son Programme Local de l’Habitat (PLH) 2024-2029 : produire ou rénover 3 000 logements en six ans. Conçu pour répondre à une crise immobilière qui touche l’ensemble de son territoire, ce plan s’inscrit dans une stratégie globale visant à relancer un marché aujourd’hui jugé "grippé" par les élus locaux.

Avec un budget de 10,8 millions d’euros, ce programme entend répondre aux besoins d’un territoire en pleine mutation. Face à des tensions croissantes sur le logement — aggravées par la hausse des prix immobiliers et des coûts de construction —, ce plan vise à conjuguer développement, durabilité et accessibilité pour les ménages de tous horizons.

Mais derrière cette ambition se cachent aussi d’autres problématiques, qu’il s’agisse de respecter les contraintes imposées par la loi sur la Zéro Artificialisation Nette (ZAN) ou de maintenir une cohésion sociale et territoriale.

Enjeu clé pour l’attractivité économique et sociale du Pays de Vitré, ce projet suscite autant d’espoirs que de débats. Quels sont les objectifs de ce programme ? Comment ambitionne-t-il de transformer le territoire tout en répondant aux défis environnementaux ? Décryptage des grandes lignes et des perspectives d’un projet structurant pour l’avenir des Vitréens.

Un plan de logement nécessaire

Le Programme Local de l’Habitat 2024-2029 répond à des enjeux pressants pour le Pays de Vitré, un territoire à la fois dynamique et confronté à des tensions croissantes sur le marché immobilier. La demande de logements dépasse aujourd’hui largement l’offre, ce qui complique l’installation de nouveaux habitants et a tendance à freiner le développement économique.

Un territoire sous tension immobilière

Les entreprises locales, notamment les grandes industries du secteur agroalimentaire et manufacturier, peinent à recruter. « Nous avons réuni les dirigeants des grandes entreprises, et toutes ont évoqué les difficultés à loger leurs salariés », explique Pierre Léonardi, maire de Vitré, lors du conseil municipal du 21 octobre 2024 (Source : Actu.fr). Récemment reclassée en zone B1 par l’État, Vitré est officiellement reconnue comme un territoire "tendu” en termes d'immobilier.

Le marché, qualifié de "trop immobile" par Isabelle Le Callennec, présidente de Vitré communauté, est marqué par une faible rotation des biens. Les ménages aux revenus modestes et les jeunes actifs éprouvent de grandes difficultés à accéder à la propriété ou à trouver une location abordable.

Les taux d’intérêt élevés et la hausse des prix de construction amplifient ces obstacles, rendant le parcours résidentiel "grippé" pour de nombreuses familles.

Des besoins diversifiés

Le PLH, en plus de créer des logements neufs à Vitré, ambitionne également de répondre aux besoins variés des habitants, qu’il s’agisse de jeunes actifs, de familles, de seniors ou de personnes en situation de précarité.

Une attention particulière est portée aux logements sociaux et intermédiaires pour garantir une réelle mixité sociale sur le territoire. La rénovation du parc existant, souvent vieillissant, est également une priorité pour remettre sur le marché des biens vacants ou indignes.

Les détails du plan et ses objectifs

Pour répondre à ces besoins pressants, le Programme Local de l’Habitat 2024-2029 de Vitré communauté s’articule autour de mesures ambitieuses et structurées. Avec un investissement total de 10,8 millions d’euros sur six ans, ce plan cherche à produire ou rénover 3 000 logements tout en respectant les contraintes environnementales et les spécificités locales.

Une répartition ciblée et stratégique

Sur les 3 000 logements prévus, 56 % seront concentrés sur quatre pôles principaux :

• Vitré : 985 logements.
• Châteaubourg : 475 logements.
• Argentré-du-Plessis : 195 logements.
• La Guerche-de-Bretagne : 125 logements.

Le reste, soit 1 400 logements, sera réparti dans les autres communes, en fonction de leur dynamique et de leurs besoins locaux. Une attention particulière est portée aux secteurs où la demande est la plus forte et aux zones rurales nécessitant un renouvellement urbain.

Une vision durable et économe en foncier

Avec la mise en œuvre de la loi sur la Zéro Artificialisation Nette (ZAN), seulement 43 % des logements seront construits en extension urbaine. Les 57 % restants devront s’inscrire dans une logique de densification et de rénovation. L’objectif est de réduire la consommation foncière à 15 hectares par an, contre 30 auparavant.

« On doit retravailler notre manière de faire de l’urbanisme. Il faut désormais reconstruire la ville sur la ville »

Les friches urbaines, les biens vacants et les logements existants constituent donc des cibles prioritaires pour éviter d’entamer les espaces agricoles ou naturels. 227 hectares au total ont été alloués à la construction de logements neufs jusqu’en 2031 pour toute la communauté de Vitré.

Des aides pour accompagner les particuliers

Une large part du budget, 7 millions d’euros, est dédiée à l’accession à la propriété et au développement locatif, tandis que 2 millions d’euros financeront la rénovation énergétique et le renouvellement urbain. Pour encourager les habitants à investir dans l’immobilier ou à rénover leurs biens, Vitré communauté propose des aides ciblées :

• 4 000 à 8 000 euros pour l’achat d’un bien ancien
• 3 000 à 6 000 euros pour un bien neuf sans travaux.

Ces aides, encore peu connues, visent à débloquer des situations freinées par des coûts élevés ou des difficultés d’accès au crédit. « Plus les projets sont vertueux, plus ils sont aidés », précise Mathieu Jérôme, directeur transition écologique, mobilités et habitat à Vitré communauté.

Rénover et moderniser le patrimoine

Outre la construction, une priorité est donnée à la rénovation des biens existants, notamment les logements vacants ou en situation de précarité énergétique. Une quinzaine de situations de logements indignes ont déjà été identifiées grâce à la plateforme Histologe. Ce chantier est essentiel pour anticiper l’interdiction prochaine de location des passoires thermiques, en particulier dans les centres anciens.

Obstacles et critiques locales au projet

Bien entendu un tel projet ne se déroule pas sans accrocs. Nous avons déjà mentionné la ZAN et tout ce que cela implique en termes foncier limité et de construction écologique.

La situation économique tendue due à la crise du logement n’est pas non plus d’une grande aide (hausse des coûts de construction, des prix de l’immobilier, des taux de crédit...), bien que certains facteurs commencent à s’apaiser ces derniers mois avec notamment une baisse régulière des taux d’emprunt.

Le PLH suscite également des tensions politiques et sociales. Certains élus de la minorité, comme Nicolas Kerdraon et Carine Pouëssel, dénoncent une "vision à court terme" et un "manque de concertation". Ils pointent des projets immobiliers qu’ils jugent mal maîtrisés, tels que celui du site MMO à Vitré, qui prévoit 347 logements, ou encore la densification rapide de certains quartiers.

Pour apaiser un peu les esprits, le maire de Vitré a déclaré :

« Nous avons une offre mixte sur Vitré avec des pavillons individuels ou encore des appartements dans des collectifs. Vous avez évoqué une course à voir la ville grossir, mais ce n’est pas du tout le cas. En termes de besoin de logements, il y a effectivement un besoin.

Récemment, nous avons réuni les dirigeants des grandes entreprises de Vitré communauté et toutes nous ont fait part de leurs difficultés à recruter de nouveaux collaborateurs qui ont du mal à se loger. L’État a placé Vitré en zone B1, ce qui signifie que la ville est sous tension de logements. »

Du côté des habitants, les transformations urbaines rapides soulèvent des interrogations. Certains craignent une modification de la sociologie urbaine, avec une concentration de logements pour des publics spécifiques, ou une dégradation de leur cadre de vie. La communication et la concertation avec les riverains seront essentielles pour apaiser ces inquiétudes.