La désimperméabilisation des sols : enjeux, avantages et solutions pour des villes durables
La désimperméabilisation des sols représente un aspect important de l’urbanisation face au changement climatique. Alors que les surfaces imperméabilisées — telles que les routes, les parkings et les bâtiments — se multiplient dans les zones urbaines, les capacités naturelles d'infiltration des sols sont dramatiquement réduites, et les conséquences nombreuses.
C’est ici qu’intervient le concept de “désimperméabilisation”. Des méthodes ont été mises au point pour rendre les sols urbanisés à nouveau perméables et permettre à ceux-ci de remplir leur rôle naturel (entre autres d’absorption des eaux et du CO2). Que ce soit les collectivités pour un aménagement public ou les promoteurs immobiliers pour la construction de logements neufs, re-perméabiliser les sols est un devoir de tous les acteurs de l’urbanisme.
Nous ferons ici un tour d’horizon de la désimperméabilisation. Nous verrons en détail les raisons pour lesquelles cette pratique est devenue une priorité dans les politiques urbaines et environnementales. Nous analyserons également les bénéfices de la désimperméabilisation des sols et les méthodes et stratégies pour la mettre en œuvre.
C’est quoi la désimperméabilisation des sols ?
La désimperméabilisation est la pratique de rendre à nouveau perméable à l’eau une surface qui avait été urbanisée et donc imperméabilisée.
Après des décennies de sur-urbanisation des villes et la course à l’étalement urbain, les problématiques environnementales ont finalement percé le voile de l’opinion publique et les consciences se sont éveillées sur les sujets de transition écologique.
Nous avons compris qu’il est essentiel de réduire voire renverser totalement les pratiques quotidiennes qui menacent l’environnement, la biodiversité et qui favorisent les émissions de gaz à effet de serre.
L’urbanisation de manière générale, dans la construction de bâtiments (logements, tertiaire...), ou l’aménagement d’espaces publics tels que les routes, parkings et autres, se doit d’être maîtrisée car elle rend les sols imperméables.
Les conséquences, que nous verrons plus bas, ont obligé les collectivités et les urbanistes à se tourner vers des solutions comme la désimperméabilisation des sols. Celle-ci devient une stratégie de plus en plus adoptée, car elle sert à la fois à réduire les surfaces imperméables et à reconnecter les eaux de pluie avec leur milieu naturel. Elle est un élément essentiel de la transition écologique et fait désormais partie intégrante des mesures locales touchant à l’environnement comme le PLU et autres Plans Climat.
Pourquoi désimperméabiliser les sols ?
L’imperméabilisation des sols est un phénomène largement répandu dans les zones urbaines modernes. Comme nous venons de le mentionner plus haut, les routes, parkings, zones d’activité et immeubles recouvrent de vastes étendues de terres, empêchant l’eau de pluie de s’infiltrer naturellement dans les sols.
Cette transformation a entraîné des déséquilibres majeurs dans le cycle de l’eau et présente des risques pour l’environnement et les populations. Désimperméabiliser les sols devient une réponse essentielle pour rétablir certaines fonctions écologiques fondamentales et améliorer la résilience des villes face aux aléas climatiques.
Les enjeux environnementaux
L’imperméabilisation entraîne des modifications importantes dans le cycle de l’eau. Les surfaces imperméabilisées limitent l'infiltration naturelle des eaux de pluie, ce qui conduit à une augmentation du ruissellement et des volumes d’eau qui doivent être évacués par les réseaux de gestion des eaux pluviales.
En période de fortes précipitations, ce phénomène accentue le risque d’inondations urbaines et la saturation des infrastructures de drainage, qui ne sont pas toujours dimensionnées pour gérer ces volumes importants d’eau.
De plus, le ruissellement sur les surfaces imperméabilisées transporte avec lui divers polluants urbains (hydrocarbures, métaux lourds, particules fines), qui se retrouvent dans les milieux aquatiques sans avoir été filtrés par le sol. Ces polluants contaminent ainsi les rivières, les lacs et les nappes phréatiques, affectant la biodiversité et la qualité des ressources en eau potable.
En restaurant des espaces d’infiltration, la désimperméabilisation permet non seulement de réduire ces pollutions diffuses, mais aussi de participer à la régénération des nappes phréatiques en facilitant leur recharge naturelle.
Les enjeux climatiques
Le changement climatique entraîne une multiplication des événements extrêmes (canicules, épisodes de fortes pluies...) qui mettent à l’épreuve les infrastructures urbaines. Dans ce contexte, la désimperméabilisation des sols est un levier essentiel pour adapter les villes à ces nouvelles conditions climatiques. En effet, une meilleure infiltration des eaux de pluie diminue le ruissellement et donc les risques d’inondations soudaines.
De plus, en réduisant l’étendue des surfaces artificielles, cette pratique aide à limiter le phénomène d’îlots de chaleur urbains.
La transformation de ces espaces en zones perméables et végétalisées crée des îlots de fraîcheur, bénéfiques pour le confort thermique des habitants et pour la réduction des besoins énergétiques liés à la climatisation en été.
Les enjeux urbains et de qualité de vie
En intégrant davantage d’espaces verts, de parcs et de surfaces végétalisées, la désimperméabilisation réintroduit la nature dans le milieu urbain et offre aux résidents plus d’espaces naturels. Ces zones vertes sont littéralement une bouffée d’air frais pour les citadins et leur bien-être, en proposant des espaces de détente et en améliorant la qualité de l’air.
Les aménagements perméables apportent également une esthétique renouvelée aux quartiers urbains, transformant des zones grises et bétonnées en espaces plus accueillants et agréables. En outre, cette transformation contribue à valoriser les biens immobiliers et à dynamiser les zones concernées.
Les bénéfices de la désimperméabilisation des sols
Les bénéfices de cette démarche touchent plusieurs dimensions : l’environnement, la santé publique, le bien-être des citoyens et même le développement économique des zones concernées. Dans ce contexte, la désimperméabilisation apparaît comme une solution multifonctionnelle, apportant des réponses aux enjeux écologiques, climatiques et sociaux.
Outre l’amélioration de la gestion des eaux pluviales comme vu précédemment, les sols jouent également un rôle important dans le stockage du carbone, décisif pour la lutte contre le réchauffement climatique. La désimperméabilisation laisse les sols respirer, et rend possible le fait de restaurer certaines de leurs fonctions écologiques, comme la séquestration du carbone et la production de matière organique.
Il est ici question de préservation des ressources naturelles, permettant aux sols de retrouver leur capacité à soutenir la vie et de jouer un rôle dans l’atténuation du changement climatique.
Sur le même sujet de l’impact carbone, les espaces végétalisés créés grâce à la désimperméabilisation améliorent la qualité de l’air en absorbant le dioxyde de carbone et en capturant certaines particules fines, réduisant ainsi les risques de maladies respiratoires et cardiovasculaires. La végétation urbaine pérpétue également la biodiversité en créant des habitats pour les insectes, les oiseaux et autres espèces, un bon point pour la résilience écologique des zones urbaines.
Les retombées positives de la désimperméabilisation sur le cadre de vie des habitants sont elles aussi non négligeables. Les espaces nouvellement re-végétalisés créent des îlots de fraîcheur qui régulent les températures en réduisant l’effet des îlots de chaleur urbains, fréquents dans les villes où l’asphalte et le béton absorbent et restituent la chaleur. Résultat : l’impact des vagues de chaleur estivales et les besoins en climatisation sont amoindris.
Enfin, la réintroduction de la nature en ville, grâce aux parcs, jardins de pluie et autres aménagements perméables, améliore bien entendu le bien-être des habitants.
Comment mettre en œuvre la désimperméabilisation ?
La mise en œuvre d'un procédé de désimperméabilisation des sols requiert une approche coordonnée et adaptée à chaque territoire. Elle doit prendre en compte les spécificités locales et les contraintes d’urbanisation pour maximiser l’efficacité des interventions.
Différentes stratégies et techniques peuvent être mobilisées, allant de la planification territoriale aux aménagements de terrains individuels, pour transformer progressivement les zones imperméabilisées en espaces capables de gérer l’infiltration des eaux pluviales de manière naturelle.
Les stratégies de désimperméabilisation à différentes échelles
Pour réussir une politique de désimperméabilisation, il est essentiel d’agir à plusieurs niveaux, en intégrant cette démarche dans les documents d’urbanisme tels que les Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT) et les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU).
Ces outils permettent aux collectivités d’anticiper et de planifier les besoins de désimperméabilisation sur de vastes territoires, en identifiant les zones propices à l’infiltration des eaux de pluie et celles où des aménagements seront nécessaires.
Les SCoT, par exemple, définissent des orientations pour l’ensemble d’un territoire, en encourageant les actions de désimperméabilisation là où les sols et sous-sols présentent une bonne capacité d’infiltration. Les PLU, quant à eux, permettent de fixer des règles précises à l’échelle communale, comme des prescriptions pour limiter les surfaces imperméabilisées dans les nouveaux projets ou pour aménager des zones de perméabilité en remplacement de revêtements étanches.
En outre, ces documents peuvent inclure des objectifs de «zéro artificialisation nette». Ce programme national, dont l’objectif est d’amener le pays à la neutralité de l’aritificialisation des sols d’ici 2050, veut équilibrer les surfaces imperméabilisées par des opérations de désimperméabilisation équivalentes.
Techniques de désimperméabilisation
La désimperméabilisation peut se décliner en plusieurs techniques adaptées aux contextes et aux types de sol. Parmi les solutions les plus courantes figurent les aménagements ponctuels :
- Puits d'infiltration,
- Bassins d’infiltration,
- Pavés poreux,
- Jardins de pluie,
- Parkings drainants
Ces installations permettent une infiltration directe des eaux de pluie dans le sol, favorisant la recharge des nappes phréatiques et la réduction du ruissellement. Les jardins de pluie, quant à eux, combinent l’infiltration avec un aménagement paysager, intégrant la végétation dans la gestion des eaux pluviales et créant ainsi des zones de verdure bénéfiques pour l’esthétique urbaine et la biodiversité.
Les techniques d’infiltration diffuses et linéaires, comme les noues, les fossés et les tranchées infiltrantes, sont également efficaces pour gérer les eaux de pluie. Les noues, par exemple, sont des fossés peu profonds avec des pentes douces qui canalisent l’eau et ralentissent son écoulement, pour une meilleure absorption dans le sol. Ces structures, que l'on voit souvent le long des routes ou dans les espaces verts, font partie intégrante du décor et permettent une gestion durable des eaux pluviales.
Des exemples d’application de ces techniques peuvent être observés dans des villes comme Toulouse ou Libourne, où des projets de désimperméabilisation ont permis de renforcer la résilience des infrastructures urbaines face aux épisodes de fortes pluies.
Les leviers financiers et réglementaires
La désimperméabilisation nécessite bien entendu des investissements, mais des dispositifs de financement existent pour soutenir les collectivités et les acteurs privés dans cette démarche.
Les Agences de l’eau, par exemple, proposent des aides pour les projets qui incluent des solutions alternatives pour la récupération et la réutilisation de l’eau de pluie ou l’infiltration directe sur site. Ces financements peuvent couvrir une partie des coûts d’aménagement et donc faciliter la mise en œuvre de ces projets pour les communes et les entreprises.
Sur le plan réglementaire, la désimperméabilisation peut être encouragée par des règles d’urbanisme spécifiques. Les PLU peuvent imposer des seuils de perméabilité pour les nouvelles constructions ou prévoir des obligations de végétalisation des toitures et des parkings.
Pour les projets de grande envergure, les collectivités peuvent également jouer un rôle de facilitateur, en inscrivant des prescriptions de désimperméabilisation dans les cahiers des charges des projets d’aménagement et en soutenant les opérations de renaturation sur les terrains publics.
Les conditions pour réussir un projet de désimperméabilisation
La désimperméabilisation des sols demande une approche globale, impliquant une planification stratégique, un engagement politique, une coordination entre les différents acteurs et une sensibilisation du public. Désimperméabiliser, c’est un projet de long terme qui s’inscrit dans une vision durable du développement urbain, et son succès dépend de la mobilisation de multiples leviers institutionnels, techniques et humains.
La volonté politique et l’engagement des collectivités
Un projet de désimperméabilisation nécessite avant tout une forte volonté politique. Les collectivités sont essentielles dans le process, car ce sont elles qui détiennent les leviers d’action en matière d’aménagement du territoire et de réglementation.
En affichant des objectifs clairs et en fixant des priorités en faveur de la désimperméabilisation, les élus et responsables locaux peuvent impulser une dynamique de changement au sein de leur territoire. Et qui sait, cette démarche peut éventuellement agir comme un signal fort pour d’autres collectivités voisines, qui pourraient être encouragées à adopter des politiques similaires.
L’exemplarité est en effet un catalyseur : en intégrant des principes de désimperméabilisation dans leurs propres projets d’aménagement, les administrations locales montrent l'exemple et encouragent les autres acteurs, comme les promoteurs privés, à suivre cette voie.
La coordination entre acteurs et services
La réussite d’un tel projet nécessite une coordination efficace entre les différents services de la collectivité : urbanisme, assainissement, environnement, espaces verts, et voirie. Cela implique en effet des actions qui touchent à de nombreux aspects de l’urbanisme et de la gestion des infrastructures.
Cette transversalité requiert une organisation interne adaptée, notamment dans les collectivités de grande taille, où les différents services doivent collaborer pour assurer la cohérence et l’efficacité des actions.
Par ailleurs, la coopération avec des partenaires extérieurs, tels que les agences de l’eau, les associations environnementales, les bureaux d’études, et parfois même des entreprises privées, peut apporter des compétences et des ressources complémentaires.
Dans certains cas, des projets de désimperméabilisation peuvent aussi impliquer des dispositifs de financement et d’assistance technique, comme l’a fait le Cerema dans son accompagnement de plusieurs collectivités françaises.
L’acceptabilité économique et sociale
Bien que les bénéfices d'un processus de désimperméabilisation soient nombreux, son coût peut représenter un frein pour les collectivités et les acteurs privés. Les travaux de transformation des infrastructures, ainsi que l’acquisition de nouveaux terrains pour créer des espaces perméables (en particulier dans un contexte de disponibilité limitée du foncier), impliquent des investissements parfois conséquents.
Cependant, les coûts peuvent être équilibrés par les avantages à long terme, notamment la réduction des dépenses liées aux dégâts des inondations, la baisse des coûts énergétiques grâce à la réduction des îlots de chaleur, et l’amélioration générale de la qualité de vie des habitants.
Pour rendre ces projets “socialement acceptables”, il est essentiel d'informer et de sensibiliser le public (réunions publiques, ateliers...), ainsi que les acteurs économiques locaux, sur les bénéfices de la désimperméabilisation. En expliquant les enjeux écologiques et les gains potentiels pour le bien-être de la population, les collectivités peuvent obtenir un soutien plus large pour ces initiatives.
Par exemple, dans des zones où le risque d’inondation est élevé, les habitants perçoivent souvent la désimperméabilisation comme une solution concrète pour protéger leurs biens et améliorer la sécurité.