Campus Franceline Ribard : 6 900 étudiants au cœur de l'île de Nantes

Un nouveau campus dédié à la santé prévu sur l'île de Nantes

Nantes - Urbanisme & architecture - Sophie Castella le 23/06/2025
Vue sur le futur campus au cœur du quartier de la santé à Nantes
© Art & Build Architecte/Pargade/Samoa

L'île de Nantes se prépare à accueillir un campus flambant neuf pour recevoir 6 900 étudiants d'ici 2031. Baptisé en hommage à Franceline Ribard, première bachelière et étudiante nantaise en médecine en 1872, le campus se tiendra face au futur CHU, livré à l'horizon 2027. L'ambition est d'en faire un phare de la recherche et de la formation, à la croisée du soin, de l'innovation et de la ville qui l'entoure. Focus sur ce nouveau chantier hors norme.

Pourquoi créer un nouveau campus ?

Pendant des décennies, la formation en santé à Nantes a vécu en pièces détachées : médecine et odontologie dans l'ancien Hôtel-Dieu, pharmacie rue Bias, écoles paramédicales disséminées du site Laënnec à Malakoff. Cette cartographie compliquait ainsi les emplois du temps, doublait les coûts d'équipement et freinait les échanges entre filières. Un rapport interne souligne même que certains plateaux techniques datent des années 1980, quand le numérique et la simulation haute fidélité (méthode de formation qui recrée de façon très réaliste des situations cliniques) n'existaient pas encore. Réunir les quelques 6 900 étudiants et 1 000 personnels sur un seul site devient donc autant un impératif pédagogique qu'une question de logistique.

Décloisonner les savoirs

Plutôt que de reconstituer un simple "alignement de facultés", les porteurs de projet ont imaginé un véritable carrefour : trois bâtiments reliés par un "flight deck" où l'étudiant kiné croise la future chirurgienne avant un exercice de réalité virtuelle. Mutualiser bibliothèques, ateliers de simulation ou cafétérias doit créer un terreau commun et habituer dès la première année aux gestes partagés du soin. Former ensemble pour soigner mieux résume la feuille de route métropolitaine .

Franceline Ribard, un symbole historique fort

Pour baptiser ce vaisseau, l'université a choisi un nom qui parle d'audace : Franceline Ribard. Première bachelière de Nantes en 1872, première femme de la ville admise en études de médecine, elle deviendra la première ophtalmologue française avant de s'éteindre à 35 ans, emportée par la dysenterie au Tonkin. Dans la presse nantaise de l'époque, on la décrit déjà comme "celle qui franchit les portes interdites". Lui rendre hommage, c'est aussi rappeler que l'innovation scientifique s'accompagne d'un progrès sociétal : égalités hommes-femmes, ouverture sociale et courage intellectuel.

Ainsi, le campus Franceline Ribard naît d'un double objectif : rassembler un savoir dispersé et honorer une pionnière dont le parcours trace une ligne directrice : aller là où personne n'attend encore les soignants de demain.

Un multiplicateur d'emploi

Le chantier lui-même mobilisera quelque 1 200 emplois équivalent temps plein sur trois ans, du coffreur au spécialiste BIM (Building Information Modeling). Mais le souffle sera durable : l'exploitation du site, ses laboratoires et son tiers-lieu santé généreront 450 postes directs (techniciens, bibliothécaires, ingénieurs pédagogiques) auxquels s'ajoutent environ 800 emplois indirects dans la restauration, la maintenance ou l'hôtellerie étudiante, selon l'étude d'impact présentée à Nantes Métropole.

De la friche portuaire au quartier-jardin

Côté ville, le campus agit comme une pierre d'angle : il justifie l'ouverture de la future station de tram du CHU, l'extension de la piste Loire à Vélo et le bouclage d'une ligne de bus à haut niveau de service. Les promoteurs annoncent déjà 800 logements neufs, dont 40 % sociaux ou étudiants dans le périmètre immédiat, tandis que les rez-de-chaussée accueilleront commerces de bouche, parapharmacies et services de proximité. La mairie table sur une augmentation de 25 % de la fréquentation piétonne de l'île une fois le campus et l'hôpital pleinement ouverts. De quoi faire basculer ce morceau de friche portuaire en un quartier-jardin, où l'on passera du cadran opératoire au marché de producteurs en moins de cinq minutes de marche.

Un emplacement stratégique au cœur de l'île de Nantes

Le campus Franceline Ribard occupera une parcelle de 13 300 m² entre les boulevards Gustave-Roch et Gisèle-Halimi, sur l'extrémité ouest de l'île de Nantes. La silhouette de ses trois bâtiments fera face, de l'autre côté de l'avenue, au nouveau CHU qui sort lui aussi de terre : vingt mètres à traverser pour passer de l'amphi au bloc, un luxe logistique auquel peu de facultés françaises peuvent prétendre. En s'installant si près de l'hôpital, l'université tisse délibérément le continuum "formation-soin-recherche" voulu par la métropole.

Place aux mobilités douces

Les plans, signés AIA Life Designers et C.F. Møller, réservent 1 600 emplacements vélos au rez-de-chaussée : un parking couvert et traversant, visible dès l'entrée, conçu comme une invitation à laisser la voiture sur la berge. À deux minutes, la future station de tramway du CHU croisera le Busway, tandis qu'une passerelle piétonne reliera le campus au centre historique. Les étudiants pourront même rejoindre les cours par la Loire à Vélo - EuroVelo 6, dont la piste borde déjà le chantier. Nantes veut faire du quartier de la santé le nœud le mieux desservi du territoire, sans étouffer sous les voitures.

Couture verte et paysage partagé

La topographie de l'île a guidé le dessin : toitures végétalisées, patios plantés et venelles ouvertes prolongent la trame verte qui court depuis le parc des Chantiers jusqu'aux jardins du futur CHU. Au sol, le béton bas-carbone s'alterne avec des bandes de graviers drainants pour absorber les pluies.

En façade, le zinc se plisse par endroits pour laisser grimper la vigne-vierge. Nous voulons que l'étudiant voie la nature entrer dans l'édifice , résume l'architecte-urbaniste chargé du projet. Le campus ne sera donc pas une enclave, mais une couture, reliant les deux bras du fleuve, le savoir et le soin, la ville minérale et le jardin vivant.

Une architecture portée par un tandem franco-danois

Le concours a réuni un duo inédit : AIA Life Designers, habitué des grands équipements de santé français, et le cabinet scandinave C.F. Møller Architects, maître dans l'architecture durable. Ensemble, ils ont imaginé un campus "comme un petit archipel relié par des passerelles", selon la formule du jury. Trois bâtiments (enseignement, recherche et vie étudiante) formeront un triangle ouvert vers la Loire, totalisant 46 000 m².

Le "Flight Deck" : colonne vertébrale suspendue

À sept mètres au-dessus du sol, une passerelle vitrée court d'un bloc à l'autre : ce "Flight Deck" sera à la fois rue intérieure, belvédère sur le fleuve et raccourci protégé des intempéries entre cours et simulation. Large de quatre mètres, il pourra absorber les flux de 6 900 étudiants sans créer d'embouteillage d'ascenseurs.

Palette matérielle bas-carbone

Le socle et les noyaux structurels utilisent du béton à faible teneur en ciment, tandis que les façades alternent bois lamellé et zinc plissé dont la patine dialoguera avec les anciens hangars portuaires voisins. Les planchers mixtes bois-béton réduisent de 30 % l'empreinte carbone par rapport à un chantier conventionnel, selon les estimations de C.F. Møller.

Une ville cyclable pour un campus qui respire

Sous le Flight Dekc, un "porche vélos" de 1 600 places (stationnement couvert, équipé de bornes de recharges) signale d'emblée la priorité donnée aux mobilités douces. Les toitures végétalisées prolongent la trame verte de l'île. Les patios, orientés selon les vents dominants, créent des courants d'air naturels qui limitent le recours à la climatisation. Objectif : niveau E3C2 du référentiel français et un besoin énergétique divisé par deux par rapport à la réglementation actuelle.

Confort d'usage

Les salles de sport recevront une lumière rasante filtrée par des brise-soleils en tasseaux de châtaignier. Chaque étage disposera d'espaces de détente ouverts sur un jardin suspendu. L'architecte danois résume la philosophie : un bâtiment de santé doit commencer par guérir ceux qui y étudient . Un pari que la conception bioclimatique, mêlant matériaux sobres et dispositifs passifs, entend bien relever.

Un laboratoire pédagogique à 360°

Sur l'île de Nantes, la santé choisit désormais de marcher d'un seul pas. Le futur site rassemblera sous le même toit, les facultés de médecine et de pharmacie, onze écoles paramédicales (IFSI, ergos, orthophonistes...) et deux filières sociales. Au total : 6 900 étudiants et un millier d'enseignants-chercheurs appelés à partager bibliothèques, amphithéâtres et salles de tutorat. L'idée est simple : si l'on soigne aujourd'hui en équipe, autant apprendre ensemble dès la première année.

Des plateaux de simulation haute fidélité

2 500 m² seront dédiés à la simulation, dont un bloc opératoire factice relié à des mannequins électroniques et une régie vidéo pour décortiquer chaque geste. Une aile entière sera tapissée d'écrans immersifs. Avec un casque VR, l'étudiant pourra passer d'un accouchement compliqué à une prise en charge post-AVC, tout cela sans mettre en danger un seul patient.

Un tiers-lieu santé pour hybrider les savoirs

Au rez-de-chaussée, un tiers-lieu ouvert 18 heures par jour fera office de salon commun : makerspace où imprimer une attelle sur mesure, coins café pour "pitcher" un mémoire, espaces d'exposition pour les start-ups MedTech. Négoce d'idées plutôt que courtage de mètres carrés : l'université espère y voir naître des prototypes de dispositifs médicaux ou de nouvelles méthodes de prévention.

Laboratoires collaboratifs et infrastructures numériques

Les étages supérieurs accueilleront un laboratoire d'innovation clinique partagé avec le CHU, ainsi qu'une ferme de serveurs destinés à la modélisation 3D et à l'analyse de données de santé. Chaque salle de cours sera couplée à une régie streaming. Cours magistraux, séminaires ou dissections virtuelles pourront être suivis sans couture depuis un smartphone ou une campagne Erasmus.

Vers une santé globale

Au-delà des équipements, la pédagogie se veut holistique : modules communs sur le climat et les maladies émergentes, ateliers "culture soignante" avec des artistes, et évaluations basées sur la coopération plutôt que la compétition. Former des professionnels capables de penser la santé comme un écosystème , résume la vice-présidente formation. Un credo qui irrigue chaque mètre carré du futur campus.

Calendrier et phasage du projet

2027 – 2029 : feux verts réglementaires

Après une phase de mise au point technique, le permis de construire sera déposé fin 2027. Les marchés de travaux, estimés à plus de 200 M€, seront attribués par grands lots en 2028 : gros œuvre, charpente bois, enveloppe zinc, lots fluides, équipements de simulation. Parallèlement, la Métropole boucle la convention de financement avec l'État, la Région et le Département.

2029 – 2031 : début des travaux

La pose de la première pierre, prévue pour le printemps 2029, lancera trente mois de chantier.

Rentrée 2031 : inauguration du campus

L'inauguration officielle est calée à la mi-septembre 2031, pour coïncider avec la rentrée universitaire. En une même matinée, les étudiants franchiront le pont de la Loire, visiteront le bloc opératoire simulé et gagneront la cafétéria suspendue. Le campus aura alors tenu son pari temporel : seulement 8 ans entre la première esquisse et l'ouverture, un délai serré pour un équipement de cette ampleur, mais jugé "tenable" par la maîtrise d'ouvrage grâce à un phasage millimétré et une gouvernance unique.

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