
Taxe sur les logements vacants : On fait le point
À l’échelle nationale, 3,1 millions de logements dorment derrière des volets clos, soit 8 % du parc résidentiel au 1ᵉʳ janvier 2024, calcule l’Insee. Pour secouer ces murs inoccupés, l’État s’appuie sur deux outils fiscaux : la taxe annuelle sur les logements vacants (TLV) et la taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV). Tour d’horizon d’un levier fiscal conçu pour réveiller les logements endormis et alléger la pénurie.
Pourquoi une taxe sur les logements vacants ?
Parmi les plus de 3 millions de logements vacants en France, 1,1 million restent vides depuis plus de deux ans, un stock qui concentre un gisement de surfaces déjà construites. Alors que la construction de logements neufs bat de l'aile alors que la demande augmente, cette inoccupation pèse sur l’offre locative et nourrit la hausse des loyers dans les territoires les plus tendus.
La vacance interroge également la stratégie foncière : 20 000 hectares d’espaces agricoles, naturels ou forestiers disparaissent chaque année sous l’urbanisation, l’équivalent de cinq terrains de football par heure, rappelle le ministère de la Transition écologique. Lutter contre la vacance revient donc à « recycler » la ville plutôt qu’à l’étaler, condition sine qua non de l'objectif zéro artificialisation nette fixé pour 2050.
De la création à la montée en puissance
- 1998 : naissance de la taxe annuelle sur les logements vacants (article 232 du CGI). Instituée à compter du 1ᵉʳ janvier 1999, elle cible d’abord les grandes agglomérations où l’offre fait défaut.
- 2013 : premier durcissement. Le délai de vacance tombe de deux ans à un an et les taux passent de 12,5 %–25 % à 15 %–30 % pour accroître l’effet incitatif.
- 2023 : nouveau saut. L’article 74 de la loi de finances 2023 relève les taux à 17 % la première année, 34 % ensuite et étend la taxe à 1 434 communes classées « zones tendues ».
- 2025 : relais communal. Les communes peuvent désormais majorer jusqu’à 60 % la part leur revenant de la taxe d’habitation sur les logements vacants ou sur les résidences secondaires, transformant la fiscalité en levier de politique locale du logement.
THLV ou TLV : deux leviers, deux logiques
Pour endiguer l’« avalanche silencieuse » des volets fermés, le législateur a empilé deux taxes distinctes qui s’adressent aux mêmes propriétaires… selon le code postal de leur bien.
TLV : l’outil d’État pour les zones sous pression
Périmètre automatique : Depuis le décret n° 2023‑822 du 25 août 2023, la taxe annuelle sur les logements vacants s’applique dans 3 697 communes classées « zones tendues », contre 1 152 auparavant ; Rennes, Le Mans ou encore Annecy ont rejoint la liste.
Seuil d’un an : Le logement doit être vide et non meublé pendant au moins douze mois au 1ᵉʳ janvier de l’année d’imposition.
Taux progressifs : L'article 232 du Code général des impôts fixe le prélèvement à 17 % la première année, 34 % ensuite, calculé sur la valeur locative cadastrale.
Destination de la recette : Les sommes (271 M€ en 2023) alimentent majoritairement l’Agence nationale de l’habitat, qui finance rénovations et conventions à loyers maîtrisés.
Poids croissant : Le nombre de logements taxés est passé de 387 000 en 2017 à 810 000 en 2024, souligne la Cour des comptes ; signe que le filet s’élargit plus vite que la vacance ne recule.
THLV : la riposte locale hors zone tendue
Mise en œuvre sur délibération : Hors périmètre TLV, une commune peut voter la taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV) ; 6 417 collectivités l’avaient fait en 2024, soit +50 % en deux ans.
Seuil de deux ans : L’inoccupation doit durer plus de vingt‑quatre mois.
Taux modulable : La commune reprend le taux de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et peut l’augmenter de 5 % à 60 % depuis la loi du 14 février 2025 (art. 1407 ter CGI).
Produit communal : La recette arrive directement dans les caisses locales ; nombre d’élus y voient un instrument pour financer les politiques d’habitat.
Ce qui les sépare… et ce qu’elles partagent
Point clé | TLV | THLV |
---|---|---|
Initiateur | État (application automatique) | Commune (délibération) |
Zonage | 3697 communes tendues | Communes hors TLV |
Vacance requise | 1 an | 2 ans |
Taux | 17% -> 34% | Taux TH + 5% à 60% |
Bénéficiaire | ANAH (État) | Collectivité locale |
Logement concerné | Non meublé, valeur locative > 0 € | Idem |
Exonérations clés | Vacance involontaire, travaux >25% VL, occupation > 90 jours |
Mêmes cas, appréciés par la commune |

Pourquoi les récents ajustements de la taxe en 2023 et 2025 ?
- Rendre la taxe dissuasive : le passage de 12,5 % à 17 % a porté la pression fiscale moyenne de quelque 230 € à près de 310 € pour un studio parisien, selon l’Anil.
- Donner la main aux maires : la marche à 60 % permet aux territoires touristiques (Saint‑Malo, Quiberon, Bayonne) de rapprocher la fiscalité des logements dormants de celle des meublés touristiques (source : Article Le Monde)
- Financer la remise sur le marché : le produit de la TLV, versé à l’Anah, a bondi de 158 M€ en 2022 à 271 M€ en 2023, budget redéployé vers la rénovation et le conventionnement social.
En l’espace de deux exercices budgétaires, la fiscalité du logement vacant est passée d’« incitative » à franchement coercitive : un arsenal resserré par l’État et affûté par les communes, avec l’objectif assumé de transformer les fenêtres sombres en portes ouvertes au marché locatif.
Méthode de calcul
Une base unique : la valeur locative cadastrale
Le fisc part du loyer annuel théorique que le logement pourrait dégager : c’est la valeur locative cadastrale, révisée chaque 1ᵉʳ janvier en fonction de la catégorie du bien, de sa surface et d’un coefficient de localisation.
TLV et THLV se calculent sur cette valeur locative; elle sert d’assiette à toutes les taxes locales.
TLV : Un barème national
Dans le cas d'un T2 vacant d'une valeur locative de 8 000 € → TLV année 1 = 1 360 € (8 000 € × 17 %). TLV année 2 = 2 720 € (8 000 € × 34 %)
L'administration retient ensuite 9 % de frais de gestion avant de reverser le produit à l’Anah.
THLV : la mécanique communale
Hors zone tendue, la commune reprend le taux de taxe d’habitation appliqué aux résidences secondaires et peut le majorer de 5 % à 60 %.
Si le taux local est de 25 % et que le conseil municipal vote une majoration de 40 %, le taux effectif grimpe à 35 %. Sur la même base de 8 000 €, la cotisation atteint 2 800 €. La recette tombe directement dans le budget communal.
Une assiette qui progresse avec l’inflation
Depuis la flambée des prix, le Parlement applique une revalorisation forfaitaire automatique : + 7,1 % en 2023, + 3,9 % en 2024. À valeur locative constante, un propriétaire voit donc la TLV ou la THLV gonfler mécaniquement, indépendamment du vote des taux.
Avis et calendrier
La cotisation figure sur un avis d’impôt adressé à l’automne ; le règlement intervient en ligne ou par prélèvement automatique, dix jours après la date limite inscrite sur l’avis. Sous le vernis technique, la formule reste limpide : plus un logement sommeille, plus la note grimpe, et plus vite encore quand la valeur locative profite de l’indexation nationale.
Exonérations et dégrèvements de la TLV
Même renforcée, la fiscalité des logements vacants ne frappe pas aveuglément. Le Code général des impôts ménage plusieurs issues de secours qui tiennent aussi bien à la situation du propriétaire qu’à celle du logement.
Vacance subie : l’effort suffit à convaincre
Un bien mis en vente ou en location “au prix du marché” qui ne trouve pas preneur échappe à la fois à la TLV et à la THLV. L’administration considère alors que la vacance n’est pas volontaire.
Occupation ponctuelle
Un simple séjour de plus de trois mois d’affilée (90 jours) au cours de l’année (ou des deux années précédentes dans le cas de la THLV) suffit à neutraliser la taxe : le compteur de vacance repart de zéro.
Travaux lourds : l’excuse “chantier”
Lorsque le logement nécessite des travaux représentant plus de 25 % de sa valeur vénale, la taxe tombe, le temps du chantier. La mesure vise les biens frappés d’insalubrité ou de péril, où la poussière et les étais remplacent les locataires.
Autres cas d’exonération
Situation | Motif d'exemption ou de non-assujettissement |
---|---|
Logement non destiné à l'habitation (bureau, atelier) |
Hors champ de la taxe |
Résidence secondaire meublée | Soumise à la taxe d'habitation sur résidences secondaires, pas à la TLV/THLV |
Logement HLM vacant | Actuellement exempté |
Réclamation et sursis : la marche à suivre
Le propriétaire qui estime la taxe indue dispose du délai de recours commun en matière d'impôts locaux (jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle de la mise en recouvrement) pour déposer une réclamation motivée. Pendant l’instruction, il peut solliciter un sursis de paiement ; l’administration l’accorde sous réserve de garanties au‑delà de 4 500 €.
Pièces requises : bail ou mandat de vente justifiant la mise sur le marché, devis ou factures attestant des travaux, arrêtés d’insalubrité ou de péril si besoin. Faute de dossier solide, la demande de dégrèvement a peu de chances d’aboutir : la DGFiP rejette chaque année environ une réclamation sur quatre pour absence de justificatifs, note un rapport de la Cour des comptes publié en 2024.
Déclaration d’occupation obligatoire : la cartographie fiscale des logements
La taxe ne frappe qu’à condition que l’administration sache exactement qui vit (ou ne vit pas) derrière chaque porte. Depuis 2023, les propriétaires doivent donc tenir à jour la situation d’occupation de chacun de leurs biens dans l’espace en ligne « Gérer mes biens immobiliers » (GMBI).
Qui doit déclarer ?
Tout détenteur, personne physique ou morale, d’un local d’habitation : résidence principale, secondaire ou logement vide. Les indivisions, SCI et bailleurs sociaux sont logés à la même enseigne. La déclaration doit parvenir au fisc avant le 1ᵉʳ juillet de chaque année.
Aucune formalité tant que rien ne change au regard du logement ; signalement obligatoire au plus tard le 30 juin qui suit un changement d’occupant ou de destination.
Que faut‑il renseigner ?
- Nature d’occupation au 1ᵉʳ janvier : résidence principale, secondaire, location nue, meublée ou vacance.
- Identité des occupants : nom, prénom, date de naissance, SIREN pour un locataire personne morale.
- Période d’occupation : date d’entrée effective ou, pour une vacance, date du dernier départ.
Quel risque en cas d’oubli ?
La loi prévoit une sanction forfaitaire de 150 € par local pour défaut, omission ou inexactitude de déclaration (article 1770 terdecies CGI). L’amende tombe automatiquement dès le rôle d’imposition suivant ; aucune remise n’est accordée si le retard dépasse trois mois.
Comment éviter la taxe : rouvrir les volets plutôt que payer l’addition
Le fisc ne vise pas à « piéger » les propriétaires mais à remettre des clés en circulation. Plusieurs solutions, plus ou moins durables, permettent d’échapper à la TLV ou à la THLV ; elles exigent toutes de rompre la vacance ou de prouver qu’on s’y emploie.
Le bail mobilité
Créé pour les étudiants, stagiaires ou salariés en mission, ce contrat meublé d’une durée de 1 à 10 mois, non renouvelable, suffit à franchir la barre des 90 jours qui annule la vacance fiscale. Solution éclair, donc, mais qui réclame un logement décent et meublé logement décent et meublé : compter au minimum un lit, une table, des plaques de cuisson et un réfrigérateur.
Rentrer dans les clous grâce à Loc’Avantages
Signer une convention avec l’Anah et louer en‑dessous du marché ouvre deux portes :
- Réduction d'impôt sans intermédiation : 15 % de défiscalisation pour un bien loué à un loyer intermédiaire 15% en-dessous du prix du marché, 35 % de défiscalisation pour une location à un tarif social de –30 %.
- Réduction d'impôt avec intermédiation sociale : 20 % de défiscalisation pour un bien loué 15 % en-dessous du prix du marché, 40 % pour un bien social loué à -30 %, et 65 % pour un bien très social loué à -45 %.
Au passage, le propriétaire efface la TLV/THLV puisque le logement redevient occupé pour au moins six ans, durée minimale de la convention. Le dispositif, prorogé jusqu’au 31 décembre 2027, cible surtout les biens anciens où le rendement brut reste acceptable après l’abattement de loyer.

Réhabiliter plutôt que taxer
Comme mentionné plus haut, les travaux lourds sont également pris en compte. Un chantier représentant plus de 25 % de la valeur vénale suspend la taxe pour toute la durée des travaux. Ceux‑ci peuvent être largement subventionnés : MaPrimeRénov’ finance jusqu’à 90 % du coût d’une rénovation “ampleur”, avance de 70 % comprise pour les ménages modestes. Attention : l’exonération cesse dès la fin des travaux si le bien demeure vide.
Mettre le bien aux normes : la contrainte énergétique
Depuis le 1ᵉʳ janvier 2025, tout logement classé G au DPE est interdit à la location. Autrement dit, un propriétaire qui remet aux normes thermiques un appartement bloqué en étiquette G réalise une double opération : il rouvre la porte du marché locatif et éteint la taxe.
Changer d’usage ou vendre
Convertir l’appartement en bureau, atelier ou local commercial sort le bien du champ de la TLV/THLV, sous réserve des règles d’urbanisme et, en copropriété, du règlement intérieur. À l’autre extrémité, céder le logement supprime la taxe dès la signature de l’acte authentique : la vacance devient, pour l’acquéreur, un choix ou un chantier.
L'avenir proche de la TLV
Fin 2025 : la Direction générale des finances publiques doit publier le premier croisement à grande échelle entre la base fiscale Lovac et l’outil « Zéro Logements Vacants », attendu comme un thermomètre plus fiable de l’inoccupation de longue durée.
Projet de loi de finances 2026 : Bercy devrait arbitrer, à partir de ces données et des recommandations de la Cour, l’opportunité d’une réforme structurelle (fusion des taxes, nouvel élargissement du zonage, modulation des taux).
Suivi parlementaire : la commission des finances de l’Assemblée nationale a inscrit au programme de son rapport d’évaluation 2026 un chapitre dédié aux « résultats et effets comportementaux » de la fiscalité du logement vacant.