
RE2020 : les 23 mesures proposées par le rapport Rivaton
Le 10 juillet dernier, Robin Rivaton, président de la plateforme de gestion des données immobilières Stonal, a remis à Valérie Létard, ministre chargée du Logement, son rapport d’évaluation sur la RE2020. Mandaté par la ministre, il avait pour mission d’analyser la soutenabilité de la trajectoire réglementaire fixée par la RE2020.
L'objectif de cette mission était de mesurer les effets concrets de la réglementation sur les coûts de construction, la production de logements et la qualité des bâtiments.
Grâce à une étude détaillée assortie de 23 propositions opérationnelles, le rapport trace une trajectoire pragmatique pour concilier ambition environnementale et faisabilité économique pour le logement neuf.
Pourquoi une mission sur la RE2020 ?
Dans une conjoncture où la construction neuve affiche une production toujours à la traîne (jusqu’à –25 % par rapport aux niveaux d’avant-Covid), la France se heurte à l'équation délicate de devoir poursuivre une politique environnementale exigeante en préservant tout de même l’accès au logement neuf.
Entrée en vigueur en janvier 2022, la RE2020 marque une rupture dans les normes de la construction neuve en France, en intégrant désormais à la fois sobriété énergétique, empreinte carbone de l’ensemble du cycle de vie du bâtiment, et confort d’été garanti.
Face à cette ambition, la ministre du Logement, Valérie Létard, a missionné Robin Rivaton, président de Stonal, pour évaluer la soutenabilité de cette trajectoire à moyen terme, avec des étapes clairement identifiées pour 2025, 2028 et 2031.

Une méthode d’analyse fondée sur le terrain
La mission de Robin Rivaton s’est construite autour d’un socle solide de données et d’échanges concrets. Quatre mois durant, 62 auditions ont été menées auprès d’acteurs de terrain, allant des promoteurs et architectes aux industriels et collectivités, pour comprendre leurs difficultés et anticiper les effets réels de la RE2020 .
La démarche s’est appuyée sur l’analyse fine d’une quinzaine d’opérations de construction réalisées par des tiers indépendants, associée à l’exploitation de données techniques issues de l’Observatoire de la Performance Énergétique et Environnementale ainsi que de la base INIES (fiches FDES et PEP).
Cette double approche qualitative et quantitative a permis de comparer, pour chaque geste technique, « quel surcoût, quel effet d’apprentissage, quelle économie, pour quelle typologie de bâti, dans quel zonage, et pour quel acquéreur ».
Le rapport révèle notamment une dynamique vertueuse du secteur, mais aussi des tensions qui, sans ajustement, pourraient gripper le mécanisme réglementaire.
Des surcoûts avérés, mais variables
Le rapport Rivaton met en lumière un décalage tangible entre l’ambition écologique de la RE2020 et sa faisabilité financière. À l'horizon 2035, le surcoût moyen lié à la réglementation est estimé à +11 %, un montant réparti en trois postes : +2 % pour l’isolation, +3 % pour les équipements de chauffage et d’eau chaude, et +6 % pour la décarbonation des matériaux.
Ce surplus pèse lourd sur la production de logements neufs : entre 2022 et 2035, cela pourrait se traduire par l’absence de 118 000 à 342 000 logements sur le marché, selon les scénarios bas et haut envisagés.
Sur le plan environnemental, la RE2020 permettrait de gagner 7,9 millions de tonnes de CO₂ sur la période projetée, soit 1,2 % de l’empreinte carbone nationale. Reste que ces chiffres pourraient être surestimés de 15 à 25 %, en raison de lacunes dans les bases de données environnementales actuelles.
Enfin, le rapport alerte sur des écarts de traitement selon les territoires : le coût de mise en œuvre de la RE2020 reste particulièrement élevé dans les zones moins denses, où les effets de volume et d’apprentissage sont plus lents à se matérialiser.
23 propositions pour ajuster la RE2020
Parmi les 23 suggestions du Rapport Rivaton, plusieurs sont évoquées afin de tempérer les exigences sans renier l’ambition écologique :
- Conserver les échéances réglementaires – 2025, 2028, 2031 pour ne pas brouiller la visibilité des acteurs du secteur. Aucun report ou remise en cause n’est envisagé, dans une logique de stabilité.
- Rehausser légèrement les seuils carbone de départ (2022‑2024), d’environ 40 kg.éq.CO₂/m² (soit ≈ 5 %), afin de corriger une méthode de calcul révisée (passage de fiches A1 à A2) qui a mécaniquement alourdi l’empreinte carbone des matériaux.
- Moduler les exigences selon la qualité d’usage, en tenant compte par exemple de la hauteur sous plafond supérieure à 2,50 m et des espaces extérieurs privatifs (balcons, loggias, jardins), pour préserver le confort des habitants sans sacrifier les objectifs carbone.
- Assouplir les contraintes liées au confort d’été, en révisant l’indicateur réglementaire, en autorisant davantage de solutions de rafraîchissement sobres, pour mieux protéger les habitants face aux canicules croissantes.
- Exonérer certaines extensions et surélévations (ajoutant moins de 30 % de surface au plancher initial), et dispense temporaire pour les IGH (Immeubles de Grande Hauteur) aux échéances 2028 et 2031, considérant qu’ils apportent des gains carbone structurels dès leur conception.
- Stabiliser la réglementation jusqu’en 2035 sans imposer de nouveaux jalons, tout en prévoyant des clauses de revoyure à fin 2027 et fin 2030, soutenues par des études indépendantes, pour corriger la trajectoire si besoin.
Une nouvelle phase de dialogue engagée
Le 10 juillet 2025, après avoir reçu le rapport de Robin Rivaton, la ministre du Logement Valérie Létard a lancé une phase d’ajustement et de concertation, comme l’indiquait le communiqué officiel du ministère.
Dans ses premières réactions, elle a insisté sur l’importance de maintenir les objectifs climatiques de la RE2020, mais en veillant à ce qu’elle reste un moteur de transformation… et non un frein à la construction. Consciente des tensions du secteur, la ministre a souligné la nécessité d’“ajuster avec pragmatisme… pour préserver l’innovation, maîtriser les coûts et mieux intégrer les réalités climatiques”.
Annoncée lors de la remise du rapport, cette phase de discussion doit se dérouler au cours de l’été, jusqu’en septembre 2025, donnant ainsi aux professionnels, élus et usagers l’occasion d’examiner et d’enrichir les 23 recommandations avancées.
Selon les sources, un premier décret d’ajustement pourrait être publié dès la fin de l’année, concrétisant certaines orientations du rapport.
F.A.Q
Qu’est-ce que la RE2020 ?
La RE2020 est la réglementation environnementale qui encadre les constructions neuves depuis janvier 2022. Elle intègre des critères de performance énergétique, de réduction des émissions carbone et de confort d’été.
Pourquoi un rapport sur la RE2020 ?
Le gouvernement a mandaté Robin Rivaton pour évaluer la soutenabilité de la RE2020, en pleine crise de la construction de logements neufs. L’objectif : analyser l’impact de la réglementation sur les coûts de construction, la production de logements neufs et la qualité du bâti.
Quels sont les principaux constats du rapport ?
Le rapport identifie un surcoût moyen de 11 % lié à l’application de la RE2020, avec des effets variables selon les zones et les projets. Il alerte aussi sur une baisse potentielle de 118 000 à 342 000 logements produits d’ici 2035 si aucun ajustement n’est fait.
Est-ce que la trajectoire de la RE2020 va changer ?
Non. Le rapport recommande de maintenir les jalons de 2025, 2028 et 2031, mais propose des ajustements techniques pour éviter une impasse économique, comme le relèvement léger de certains seuils ou la modulation selon la qualité d’usage.