
Le nouveau PLUm suffira-t-il à relancer le secteur du logement à Nantes ?
Face à une crise du logement qui s'enlise et des professionnels de l'immobilier à bout de souffle, Nantes Métropole rebat les cartes. En février dernier, les élus ont validé une nouvelle version du Plan Local d'Urbanisme métropolitain (PLUm), censée conjuguer relance de la construction et ambition écologique. Hauteurs d'immeubles revues à la hausse, zones naturelles sanctuarisées, logement social relancé : les mesures sont là. Mais suffiront-elles à remettre la machine en route ? Le défi est de taille.
Retour sur les nouvelles mesures du PLUm et sur la situation du marché immobilier nantais.
Qu'est-ce que le PLUm ?
Pensé en collaboration étroite avec les élus et les acteurs locaux, le Plan Local d’Urbanisme métropolitain (PLUm) dessine les grandes lignes du cadre de vie de demain. Véritable boussole du développement urbain, ce document fixe les règles d’occupation du sol qui guident l’octroi des permis de construire, de démolir ou d’aménager. C’est sur sa base que les maires délivrent ces autorisations, garantes d’un aménagement du territoire cohérent et concerté.
Approuvé en avril 2019 dans le respect des particularités locales, il remplace les PLU communaux et propose une organisation du territoire en intégrant plusieurs objectifs : énergie, cycle de l'eau, biodiversité, paysage, climat, gestion des risques, etc. Le document évolue régulièrement pour s'adapter aux nouveaux enjeux et projets du territoire nantais.
Une protection renforcée pour la nature
Dans le cadre de sa stratégie environnementale, la métropole veut adopter des mesures ambitieuses pour freiner l'artificialisation des terres et préserver les espaces naturels. Plusieurs leviers sont mobilisés pour ancrer la biodiversité dans les projets urbains et rééquilibrer l'usage des sols.
Ce sont 89 hectares d'espaces végétalisés supplémentaires qui seront protégés via les espaces boisés classés (EBC) et les espaces paysagers à protéger (EPP).
Rezonage : 50 hectares reclassés en terres agricoles ou naturelles
Pour ce faire, l'une des mesures phares consiste à reclasser 50 hectares initialement destinés à l'urbanisation. Ces terrains, auparavant intégrés aux zones urbaines du Plan Local d'Urbanisme, passent désormais en zones agricoles (A) ou naturelles (N), pour réduire le potentiel de construction et renforcer la protection du foncier non bâti.
Un barème de valeur pour les arbres étendu à toute la métropole
Afin de mieux prendre en compte la présence végétale dans l'aménagement du territoire, un barème de valorisation financière des arbres sera désormais appliqué à l'échelle de l'ensemble des communes. Ce dispositif permet d'estimer la valeur d'un arbre et d'imposer des compensations équitables en cas d'abattage dans le cadre d'un projet d'aménagement.
Obligation de plantation sur les terrains en pleine terre
Autre nouveauté : tout projet impliquant une surface en pleine terre devra obligatoirement intégrer des plantations. Cette mesure vise à préserver la capacité des sols à absorber les eaux de pluie, maintenir la fraîcheur en ville et préserver la biodiversité locale.
Un coefficient de biotope revu pour plus de nature dans les constructions
Le coefficient biotope, qui impose aux constructions neuves une proportion minimale de surfaces végétalisées ou perméables (jardins, toitures végétalisées, patios...), sera réajusté. L'objectif : renforcer son efficacité pour enrayer l'artificialisation progressive et favoriser la présence du vivant dans l'urbain.
Cette modification a été menée dans une démarche d'éviter de réduire au maximum les impacts environnementaux
indique Pascal Pras, vice-président (PS) en charge de l'habitat et l'urbanisme durable à Nantes.
À la suite d'un examen approfondi, en particulier sur les zones humides, la collectivité a revu ses ambitions d'urbanisation à la baisse. Plusieurs secteurs auparavant classés en 2AU – c'est-à-dire en attente d'aménagement – ne seront finalement pas urbanisés, ou seulement de manière très limitée.
Certaines de ces parcelles ont même été requalifiées en zones naturelles. Résultat : sur les 171 hectares initialement pressentis pour l'urbanisation, moins de 75 hectares seront effectivement ouverts à de nouveaux projets de construction. Une orientation plus sobre, alignée sur les impératifs de protection de la biodiversité.
Construire plus en hauteur

Face à la crise du logement qui touche toutes les régions françaises, Nantes Métropole renforce ses outils d'aménagement et réaffirme sa volonté d'accélérer la construction, tout en préservant la qualité du cadre de vie pour ses habitants.
Des immeubles plus hauts pour un urbanisme plus compact
Dans les zones de renouvellement urbain, couvrant 200 hectares, le PLUm autorise désormais des hauteurs d'immeubles plus importantes afin de concilier densification et préservation des espaces de pleine terre.
De nouvelles OAP pour guider les opérations
Pour faciliter la production de logements, 43 nouvelles Orientations d'Aménagement et de Programmation ont été intégrées au PLUm. Ces documents stratégiques fixent les grandes lignes d'aménagement sur certains secteurs. Par ailleurs, 74 OAP existantes ont été ajustées pour débloquer ou fluidifier les projets de construction déjà engagés.
Un potentiel de 8 300 nouveaux logements
Ces modifications réglementaires représentent un potentiel global de plus de 8 300 logements, dont 2 460 logements sociaux pour répondre à des besoins variés : familles, jeunes actifs, seniors ou étudiants. Cette ambition s'inscrit dans la continuité du plan de relance du logement social lancé en 2023, doté d'une enveloppe exceptionnelle de 20 millions d'euros.
Nous poursuivons notre politique volontariste pour offrir des logements adaptés aux besoins et ressources de chacun, notamment des logements sociaux et abordables
a rappelé Johanna Rolland, maire et présidente de Nantes Métropole. Une déclaration qui résume la philosophie du projet : faire face à la crise du logement par l'action, en s'appuyant sur des outils réglementaires agiles et des objectifs clairs.
Le marché du logement en crise à Nantes

Construire plus en protégeant davantage la nature ? Un objectif bien paradoxal selon les professionnels de l'immobilier neuf à Nantes, déjà englués dans une crise sans précédent. On accompagne les promoteurs, mais on ne les sauvera pas
déclarait Pascal Pras dans une interview accordée au média Bati Actu.
Réunis au sein du Club Immobilier Nantes Atlantique (CINA), les acteurs du logement désespèrent d'un marché bloqué avec des conséquences à court et long terme.
Des projets bien ficelés mais en suspens
Dans la ZAC Pirmil-Les Isles, les projets prévus (3 300 logements, 100 000 m² de bureaux et des équipements publics) sont à l'arrêt.
Pour Alain Raguideau, promoteur et président de Sofira, le constat est amer. Le promoteur déplore le blocage d'une opération jugée ambitieuse et novatrice, conçue il y a plus de six ans : C'est une opération très originale, bien pensée, étudiée il y a six ans. Les exigences politiques étaient très fortes. Les cinq premiers lots ont été attribués il y a déjà un an mais nous n'avons toujours pas la commande officielle, on ne sait pas ce que l'on doit faire. L'équation économique est très difficile.
confie-t-il au magazine Informateur Judiciaire.
Même inquiétude du côté de Christine Serra, présidente du Club Immobilier Nantes Atlantique (CINA), qui appelle à un changement de cap :
Il faut rendre possible la sortie des opérations. C'est le mot d'ordre qui doit être donné à tous les niveaux de la métropole pour sortir, pas à pas, une à une, les opérations. Cela ne marchera pas autrement. On a des normes réglementaires très exigeantes en France, n'en rajoutons pas à Nantes. Il faut faire des arbitrages, alléger pour sortir des prix plus bas, débloquer en local.
Reconfigurer les projets et adopter de nouvelles méthodes de travail

Christine Serra précise que tous les segments – bureaux, logements, commerces et locaux d'activité – sont touchés. Elle rappelle également que l'immobilier est un "gros paquebot avec beaucoup d'inertie" : il peut se passer six ans entre l'initiation du programme et sa livraison. Le paquebot est arrêté, au niveau de la promotion, que ce soit pour le logement ou pour le tertiaire. Il y a un changement de paradigme, il faut repenser les opérations, nos bilans, travailler différemment...
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La présidente rappelle que l'instabilité politique joue beaucoup et qu'il n'y a pas de visibilité sur les projets.
Le constat est sans appel pour les promoteurs : toutes les pistes techniques ont été explorées, mais les blocages réglementaires restent entre les mains de l'État et des collectivités locales. Ce qui fait défaut aujourd'hui, selon eux, c'est avant tout le regard porté par la politique sur le logement.
Nous avons tiré la sonnette d'alarme il y a déjà sept ans auprès de la métropole
souligne Christine Serra Mais nous ne nous attendions pas à un tel durcissement
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Entre l'inflation des coûts des matériaux, la multiplication des normes et les exigences locales supplémentaires (chartes, quotas, etc.), les prix de revient se sont envolés. Et à Nantes, comme ailleurs, c'est le logement libre qui compense les pertes du logement social, vendu largement en dessous du coût de revient.
Or, la situation devient intenable : sur les 2 900 logements à venir sur la métropole, seuls 34 % relèvent du secteur libre, contre 66 % de logements sociaux. Ce déséquilibre, assurent les promoteurs, met en péril la viabilité économique des opérations. Si ces 34 % doivent porter seuls le poids financier du reste, les programmes ne verront tout simplement pas le jour. Beaucoup sont déjà abandonnés. Si la promotion privée s'arrête, c'est toute la chaîne du logement social qui s'effondre avec elle.
Immobilier d'entreprise : Nantes rétrograde dans le classement national

Autrefois sur le podium des métropoles les plus dynamiques en matière d'immobilier tertiaire, Nantes glisse désormais à la 8ème place du classement national. Un décalage criant entre les ambitions politiques affichées, les contraintes économiques du marché et les réalités concrètes sur le terrain.
Le casse-tête de la mixité urbaine
La règle de mixité imposée dans les projets d'aménagement – mêlant bureaux, logements et commerces – se heurte à une logique de pré-commercialisation complexe. S'il n'y a pas de pré-commande sur les bureaux, l'opération ne sort pas. Et inversement, sans pré-commercialisation du logement, rien n'avance non plus. Or ce qui compte, c'est de produire des mètres carrés
alerte Christine Serra. Résultat : des projets entiers restent gelés, freinant la production de logements comme de surfaces tertiaires.
Une offre inadaptée, une demande mal servie
Si la demande de bureaux existe bel et bien dans la métropole, l'offre peine à y répondre efficacement. La vacance se concentre sur les immeubles anciens, souvent obsolètes ou hors normes
explique Christine Serra. Et du côté du neuf, les choix d'implantation posent problème : sur les 46 000 m² actuellement disponibles, 22 000 m² se trouvent dans le quartier Ranzay-Haluchère, en pleine mutation.
Problème : ce secteur, encore peu attractif, souffre d'un manque de services de proximité, notamment de restauration ou de commerces en pied d'immeubles. Le projet Paridis, censé rééquilibrer l'Est, tarde à voir le jour. Pendant ce temps, le centre-ville et l' île de Nantes, zones très prisées, restent sous-dotées.
Une vision à ajuster pour relancer la machine
Face à ces difficultés, les professionnels saluent une certaine écoute de Nantes Métropole, mais appellent à des arbitrages plus concrets. Il y a de grandes intentions environnementales que l'on partage. Mais à un moment, il faut trancher pour que les projets avancent
plaide le promoteur et président de Sofira, Alain Raguideau.
Autre frein majeur : la frilosité du crédit. Les banques, encore très prudentes, verrouillent de nombreux financements. C'est toute la chaîne qu'il faut mobiliser pour remettre l'appareil en route
, insiste Christine Serra. Elle prévient : Ce que l'on n'amorce pas aujourd'hui aura des conséquences dans cinq ou six ans.