Loi ZAN : les maires peinent à mettre en place l’objectif
Loi ZAN : les maires peinent à mettre en place l’objectif
Le 19 novembre dernier se tenait la séance plénière d’ouverture du 106ème Congrès des maires et des présidents d’intercommunalités de France. Celle-ci était consacrée à un bilan de mi-parcours sur la mise en œuvre de l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) ainsi que des évolutions à prévoir en termes de méthodes pour que les particularités des territoires soient respectées.
Alors qu’une proposition de loi sénatoriale a été déposée le 7 novembre dernier prévoyant des assouplissements visant à « donner de l’air aux collectivités », Catherine Vautrin, ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation s’est dite ouverte à cette réflexion, tout en restant ferme sur la nécessite d’encourager la sobriété foncière. Une décision qui devrait soulager un peu plus les maires, qui peinent à mettre en place l’objectif. Retour sur les annonces de la cérémonie.
Qu’est-ce que l’objectif ZAN ?
Instaurée par la loi Climat et résilience du 22 août 2021, la loi sur l’objectif de zéro artificialisation vise à mieux prendre en compte les conséquences environnementales lors de la construction et de l’aménagement des sols, sans négliger les besoins des territoires en matière de logements neufs, d’infrastructures et d’activités.
L’objectif ZAN veut limiter toute extension de l’artificialisation d’ici 2050. Ainsi, les transformations d’espaces agricoles, naturels ou forestiers pourront encore être envisagées, mais elles devront obligatoirement s’accompagner d’une démarche de renaturation équivalente, visant à compenser l’artificialisation sur le même territoire. Tout ce qui sera consommé devra être composé pour équilibrer la balance au terme du délai imposé en 2050.
Ces objectifs se traduisent par des obligations applicables aux collectivités locales.
Une mise en œuvre assouplie avec la loi du 20 juillet 2023
Pour accompagner les élus locaux dans la mise en œuvre de l’objectif ZAN, une loi a été promulguée le 20 juillet 2023. En effet, le Sénat a estimé, un an et demi après l’adoption de la loi « Climat et résilience », que l’État ne permet toujours pas aux élus d’anticiper leurs obligations sur la période 2021-2031 contre l’artificialisation à la seule charge des territoires.
La loi du 23 juillet 2023 entend ainsi concilier la sobriété foncière et le développement des territoires, en prévoyant :
- Accorder des délais pour intégrer les objectifs de réduction de l’artificialisation des sols dans les documents d’urbanisme locaux (PLU, SRADDET, cartes communales).
- Fournir aux maires des outils temporaires pour respecter les objectifs ZAN en attendant la mise à jour des documents d'urbanisme.
- Créer une conférence ZAN, instance régionale regroupant élus et représentants de l'État, pour superviser la mise en œuvre des objectifs et évaluer les projets nationaux ou européens.
- Allouer un forfait national de 12 500 hectares pour des projets d’envergure nationale (LGV, prisons, réacteurs nucléaires), avec 10 000 hectares répartis entre les régions selon leur enveloppe définie.
- Instituer une commission régionale de conciliation pour trancher les désaccords sur les grands projets.
- Introduire une « garantie rurale » d’un hectare constructible par commune, mutualisable à l’échelle intercommunale, sous conditions.
3 décrets parus le 27 novembre 2023
Trois nouveaux décrets parus le 27 novembre 2023 sont venus à nouveau adapter les mesures liées à la loi ZAN. Le premier impose aux SRADDET de tenir compte des efforts déjà réalisés, des spécificités locales (recul du trait de côte, enjeux agricoles) et permet d’allouer une part d’artificialisation aux projets agricoles.
Le second clarifie le suivi des objectifs ZAN en distinguant les surfaces artificialisées et désartificialisées selon une nomenclature mise à jour, incluant des seuils et des exceptions pour les parcs et installations photovoltaïques conformes.
Enfin, un troisième décret précise le fonctionnement des commissions régionales de conciliation pour résoudre les désaccords entre l’État et les régions sur les projets d’envergure nationale ou européenne, avec une gouvernance partagée entre l’État, la région, et des représentants locaux.
Une méthode qui ne fait pas encore ses preuves
Malgré les dernières adaptations du dispositif, les maires ont une fois de plus exprimé leur méfiance quant à celui-ci. Ils ont l’ont d’ailleurs exprimé au cours des deux séances du point info consacré au décryptage du dispositif le 22 novembre dernier : « Le ZAN, l’acronyme qui nous fait tous peur » a déclaré Constance de Pélichy, maire de La Ferté-Saint-Aubin (Loiret).
Ils dénoncent notamment un manque d’ingénierie, de transparence, et des difficultés pour anticiper les évolutions des zonages et la mise en place de stratégies foncières adaptées.
Qualifiée de « loi mortifère pour les territoires ruraux » par un maire de Dordogne, la loi est perçue comme mal adaptée aux réalités locales. Les élus regrettent une hausse des coûts du foncier et des défis pour financer la réhabilitation des friches.
Laurence Rouède, élue de Nouvelle-Aquitaine, déplore que la ZAN perturbe les démarches déjà engagées, comme celles menées dans le cadre des SRADDET, et souligne les « impensés » de la loi : projets industriels, recul des côtes, logements sociaux et énergies renouvelables. Elle appelle à des objectifs adaptés à chaque région pour mieux respecter les spécificités : Il faut fixer des objectifs à notre identité régionale et ne pas opposer les territoires entre eux
.
Plus de pouvoir et de moyens pour les élus locaux
Nombreux sont les élus qui souhaitent adopter un modèle fondé sur une nouvelle approche. Ils critiquent la méthode actuelle, perçue comme trop descendante et centrée sur des quotas imposés par l’État. Selon le sénateur du Nord, Guilain Cambier, un modèle plus collaboratif et moins comptable est nécessaire, comme le propose une récente proposition de loi déposée le 7 novembre visant à assouplir une fois de plus la mise en œuvre de la ZAN. Ces derniers travaillent également sur un rapport concernant la fiscalité du ZAN.
Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse, souligne l’importance de donner plus de pouvoir aux élus locaux pour qu’ils puissent adapter les objectifs à leur territoire sans avoir à se conformer à des quotas stricts. Il préconise une meilleure transparence sur les attentes de l’État et un contrôle basé sur l’effort global plutôt que sur des détails précis.
Il demande également des garanties juridiques pour sécuriser des démarches comme le déclassement de terrains dans le cadre des PLU, afin de protéger les communes d’éventuelles réclamations. Enfin, il insiste sur la nécessité d’un cadre législatif plus souple et incitatif pour rendre les objectifs du ZAN plus acceptables et plis réalisables.
Des pistes de réflexion évoquées par Catherine Vautrin
Pour répondre aux élus, Catherine Vautrin s’est dit favorable à un assouplissement tout en tenant compte de l’objectif. Elle rejoint les propositions des sénateurs, notamment quant à la simplification de la métrique, qui doit être fondée sur la consommation d’Enaf (espaces naturels, agricoles et forestiers). Elle s’est aussi interrogée sur la possibilité de sortir les projets d’envergure nationale et européenne de la comptabilisation territoriale, soit 4% des surfaces qui seraient ainsi rendues aux territoires.
La fiscalité liée au ZAN soulève plusieurs questions. Reconvertir des friches, notamment en milieu urbain ou dans les bourgs-centres, est très couteux, et des discussions doivent être engagées pour trouver des solutions adaptées.
Une réflexion est également nécessaire sur la façon dont les communes peuvent générer des ressources, par exemple selon l’usage du foncier (logistique ou logement). L’objectif est de continuer à travailler sur des propositions législatives tout en simplifiant les démarches, en écoutant les acteurs locaux et en agissant rapidement pour répondre à l’urgence des besoins en logement et à une meilleure gestion des sols.
Des modifications à venir avant l’examen de loi
Au micro de Public Sénat, Jean-Baptiste Blanc, co-auteur de cette proposition s’est dit satisfait de l’annonce du Premier ministre. Lui et Guislain Cambier ont déjà rendu un rapport sur le sujet début octobre concernant la suppression de l’objectif intermédiaire à 2031. Il espère un examen de la loi « en janvier ou février ».
Avant le vote de cette proposition, Catherine Vautrin apportera plusieurs modifications sur le ZAN. Objectif : rendre le dispositif encore plus souple. Michel Barnier a aussi annoncé « inviter les préfets à se saisir de la circulaire dite ‘des 20%’ ». Celle-ci permet de donner des marges supplémentaires aux collectivités qui en ont besoin.
Le Premier ministre a également indiqué que les décrets seraient modifiés pour que les jardins pavillonnaires ne soient plus comptabilisés comme des surfaces artificialisées
. Enfin, il suggère de modifier le nom du ZAN par le nom donné à cette nouvelle proposition de loi « Trace », symbôle d’un nouvel état d’esprit et d’une nouvelle confiance
.