Multipropriétaires : Le sous-amendement PS qui maintient les biens locatifs dans l'impôt sur la fortune
Les logements mis en location pourraient rester assujettis au nouvel impôt sur la fortune improductive adopté le 31 octobre 2025 par l'Assemblée nationale. Un sous-amendement du député socialiste Philippe Brun a annulé l'exclusion initialement prévue par Jean-Paul Matteï pour favoriser l'investissement locatif.
Les multipropriétaires fortunés dans le viseur
L'amendement initial porté par Jean-Paul Matteï (MoDem) prévoyait d'exclure de l'assiette de l'impôt les biens immobiliers loués plus d'un an et respectant des critères environnementaux. Cette disposition visait à inciter les contribuables à investir dans l'immobilier locatif, les entreprises ou l'innovation, plutôt que dans des actifs considérés comme "improductifs".
Philippe Brun, député socialiste de l'Eure, a déposé un sous-amendement qui réintègre les biens immobiliers mis en location dans l'assiette de l'impôt. Le député a justifié cette position en soulignant que l'exclusion aurait principalement bénéficié aux multipropriétaires disposant de patrimoines importants, seuls concernés par cet impôt qui s'applique aux fortunes supérieures à 1,3 million d'euros.
"Les multipropriétaires, même s'ils ont 10, 15 ou 20 appartements, échapperaient à cet impôt : on se demande pourquoi !", a déclaré Philippe Brun, estimant que ces investisseurs aux portefeuilles immobiliers conséquents doivent rester assujettis à la taxation.
Budget 2026, impôt sur la fortune improductive & immobilier
Ce nouvel impôt sur la fortune improductive conserve un seuil d'imposition à 1,3 million d'euros de patrimoine, maintenu grâce à un autre sous-amendement socialiste alors que le projet initial prévoyait un relèvement à 2 millions d'euros.
La résidence principale bénéficie d'une exclusion de l'assiette dans la limite d'un abattement de 1 million d'euros, grâce à un sous-amendement de Philippe Brun. Cette mesure, similaire à celle défendue par le Rassemblement national, a permis de séduire les députés RN.
Le barème progressif actuel (de 0,5% à 1,5%) est remplacé par un taux forfaitaire unique de 1%, présenté comme plus lisible par ses promoteurs mais critiqué pour son caractère potentiellement pénalisant pour les plus petits patrimoines.
Yachts, bijoux, tableaux... que sont les "actifs improductifs" ?
Au-delà de l'immobilier, ce nouvel impôt élargit son assiette aux "actifs improductifs" : métaux précieux, objets de valeur, voitures de collection, yachts, avions, cryptomonnaies, liquidités, certaines assurances-vie non investies dans l'économie réelle et œuvres d'art.
Les biens professionnels restent exclus du calcul de cet impôt, conformément au principe de préservation de l'outil de travail.
Les professionnels de l'immobilier vent debout
L'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) dénonce "une réforme qui frappe injustement l'investissement locatif" et regrette l'absence d'exonération pour les biens loués "vertueux". L'organisation professionnelle critique particulièrement le fait que les critères environnementaux et sociaux (plafonds de loyers, durée de location, performance énergétique) n'aient pas été retenus pour exonérer certains biens loués.
Cette position est partagée par de nombreux acteurs du secteur immobilier qui y voient une pénalisation de l'investissement locatif alors que la crise du logement s'aggrave. La mesure va à l'encontre des objectifs gouvernementaux de relance de la construction et de l'investissement locatif.
Une alliance parlementaire improbable
L'adoption de cet amendement résulte d'une alliance politique inhabituelle réunissant le Rassemblement national, le Parti socialiste, le MoDem et le groupe Liot. Cette configuration hétéroclite a permis l'adoption du texte par 163 voix contre 150, malgré l'opposition du gouvernement.
Philippe Brun s'est félicité du "rétablissement de l'impôt sur la fortune", tandis qu'Olivier Faure, premier secrétaire du PS, a revendiqué sur X qu'un "nouvel ISF a été adopté sur la base d'un amendement du MoDem sous-amendé par les socialistes".
Des rendements incertains
Le rendement de ce nouvel impôt reste incertain. Le Parti socialiste revendique 2 milliards d'euros de recettes supplémentaires par rapport aux 2,2 milliards d'euros générés par l'IFI en 2024, tandis que La France insoumise craint plutôt une baisse des recettes pour l'État.
Selon les experts, le choix d'un taux unique à 1% pourrait réduire le rendement du nouvel impôt pour les patrimoines les plus élevés, l'élargissement de l'assiette étant en partie neutralisé par la baisse du taux supérieur.
La suite du parcours parlementaire
Le parcours parlementaire de cette mesure est loin d'être terminé. Le texte doit encore passer l'étape du Sénat, qui pourrait modifier substantiellement le dispositif. Les sénateurs ont déjà exprimé leur intention de redéposer un amendement excluant l'immobilier locatif de l'assiette.
La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a estimé que le rendement de cette taxe demeurait incertain et a exprimé l'opposition du gouvernement au dispositif tel qu'adopté.
L'impact sur l'investissement locatif en 2026
Cette réintégration des logements locatifs dans l'assiette fiscale marque une rupture avec l'objectif initial d'encourager l'investissement productif. Les bailleurs qui proposent des logements énergétiquement performants et loués à l'année, qui devaient bénéficier d'une exonération selon le projet initial, se retrouvent désormais assujettis à cette taxation.
L'inclusion des biens locatifs modifie fondamentalement la philosophie du dispositif et risque de décourager l'investissement immobilier locatif dans un contexte de crise du logement persistante. Les professionnels du secteur alertent sur les conséquences potentielles de cette mesure sur l'offre locative, particulièrement dans les zones tendues.
Le sort de ce sous-amendement dépendra des arbitrages qui seront rendus lors des prochaines étapes parlementaires, le Sénat disposant encore de la possibilité de modifier substantiellement ce dispositif fiscal controversé.