Un nouveau statut avantageux pour les bailleurs privés ?

Immobilier : vers un nouveau statut pour les bailleurs privés ?

Nantes - Politique - Sophie Castella le 04/12/2024

Alors que la crise du logement bat son plein et que l’heure est aux restrictions budgétaires, Valérie Létard entend donner un coup de pouce fiscal aux investisseurs pour relancer le marché locatif avec l’avènement d’un nouveau statut pour les bailleurs privés. Précisions.

Relancer l’investissement locatif

Concept investissement immobilier avec maison miniature et pièces de monnaie
© Shutterstock

Présente au Congrès des maires qui s’est tenu le 20 novembre 2024, Valérie Létard s’est engagée à tout remettre sur le tapis pour soutenir l’investissement locatif.

Aujourd’hui, vous investissez dans les actions, l’IFI [impôt sur la fortune immobilière] il n’y en a pas, c’est la flat tax [prélèvement forfaitaire unique à 30%]. Si vous investissez dans la pierre, vous êtes pénalisé à tous les étages déplore la ministre. Des déclarations plutôt inattendues de la part d’une ministre toujours sous la présidence d’Emmanuel Macron, ayant lui-même défavorisé la fiscalité immobilière.

Ce soutien revêt une saveur particulière, alors que la crise du logement frappe de plein fouet les particuliers. Entre 2000 et 2022, les prix de l’immobilier ont augmenté de 160 % en France, soit quatre fois plus vite que le revenu moyen des Français.

Sur le marché de la location privée, la situation n’est pas plus favorable, puisque la tension du marché locatif s’est brutalement accélérée en 2022 avec l’application de la Loi Climat & Résilience. Une étude de Bien’ici révèle même que l’offre a été divisée par deux entre 2019 et 2023 (60 annonces de location en 2023 contre 92 en 2019).

Même constat dans le bâtiment, où plus de 28 000 postes ont été supprimés, alors que de septembre 2023 à août 2024, les mises en chantier comptaient près de 67 000 logements de moins qu’à la même période un an plus tôt.

Réfléchir au statut du bailleur privé et à l’après-Pinel

Valérie Létard ministre du Logement
(c) Jérémy-Günther-Heinz Jähnick- wikimedia commons

Toujours lors du Congrès des maires, la ministre a déclaré qu’ il y a un chemin à trouver sur comment faire en sorte que l’investissement privé ne soit pas confiscatoire avant d’annoncer le lancement d’une mission pour instaurer « le statut du bailleur privé », un régime fiscal plus avantageux destiné aux propriétaires proposant des logements non meublés pour des locations à long terme.

Un statut déjà réclamé par les acteurs du logement, à commencer par la FPI (Fédération des promoteurs immobiliers) depuis le Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement en 2023 : Il faut professionnaliser le particulier qui investit dans l’immobilier défend Pascal Boulanger, président de la FPI, qui compte sur une « grande loi logement » dans les mois à venir, avant d’ajouter :

Il y a trop de changement de fiscalité (avec les lois type dispositif d’investissement locatif Pinel…). Nous sommes pour la mise en place d’un système du bailleur avec des avantages comme un professionnel permettant de réduire certaines charges, et le faire de façon pérenne.

Danielle Dubrac, présidente de l’Union des syndicats de l’immobilier (UNIS), a salué la nouvelle, ajoutant qu’ il est intéressant de voir qu’il y a enfin une prise de conscience. Le chantier de l’investisseur privé, on en parle depuis au moins cinq ans… Aujourd’hui, les contraintes locatives sont énormes, les rendements sont faibles, voire inexistants et la fiscalité élevée. Le propriétaire bailleur n’est pas encouragé !

Inciter les Français à être bailleurs

Concept investissement immobilier avec maison miniature et pièces de monnaie
© Watchara Ritjan - Shutterstock

À travers ce nouveau statut, l’objectif est d’inciter les Français à revenir vers le logement en instaurant un mécanisme d’amortissement plus ou moins intéressant en fonction de l’effort qui est fait sur le loyer et/ou des travaux de rénovation énergétiques engagés, explique Danielle Dubrac.

Ce statut viserait exclusivement les propriétaires louant des biens non meublés. C’est, en tout cas, la proposition portée par les membres de l’Alliance pour le logement. Le député macroniste des Landes, Lionel Causse, avait présenté un amendement similaire dans le cadre du projet de loi de finances 2025, finalement rejeté dans son intégralité par l’Assemblée nationale.

Dans tous les cas, l'objectif est de redonner de l'intérêt à la location longue durée, qui s'est fortement éclipsée ces dernières années au profit de la location courte durée.

Lors de sa conférence de presse annuelle du 15 octobre, le président de l’UNPI (Union des propriétaires immobiliers) Sylvain Grataloup a rappelé que les propriétaires sont les premiers logeurs de France. Or un bien qui rapporte 12 000 euros par an, quand on enlève les charges et les impôts, il reste en réalité 1 000 euros aujourd’hui… Il y a une forme de paupérisation des propriétaires de la classe moyenne, ceux qui s’achètent un bien locatif pour leur retraite .

Un geste fait en direction des bailleurs sociaux

Auditionnée au Sénat le 12 novembre 2024, Valérie Létard a détaillé ses ambitions pour le logement dans sa feuille de route pour les prochains mois. Parmi les urgences évoquées, l’ancienne sénatrice a annoncé un geste en direction des bailleurs sociaux, en réduisant le prélèvement sur leurs recettes.

Lors de la discussion budgétaire, Valérie Létard a annoncé que le gouvernement proposerait une réduction de 200 millions d’euros du montant prélevé au titre de la réduction de loyer de solidarité (RLS). En place depuis 2018, ce mécanisme, qui vise à compenser la diminution de cinq euros de l’aide personnalisée au logement (APL), impacte fortement les finances des bailleurs sociaux. Actuellement, cette mesure leur coûte environ 1,3 milliard d’euros par an, mais, selon l’amendement présenté par la ministre, ce prélèvement sera désormais plafonné à 1,1 milliard d’euros.

Un effort inédit depuis 2017 et non négligeable en direction des bailleurs sociaux. En contrepartie, la ministre attend des « engagements précis » des bailleurs, notamment en matière de production de logements. Une annonce favorablement accueillie par l’USH (Union sociale de l’habitat). Un budget jugé encore « trop faible au regard des besoins » par l’écologiste Yannick Jadot.

Elle a aussi rappelé qu’une enveloppe de 200 millions euros avait été obtenue pour financer leurs opérations de rénovation thermique. Ces crédits restent toutefois deux fois moins importants que ceux engagés par l’ancien ministre du Logement Patrice Vergriete, en 2023.

La baisse du taux d’intérêt de livret A est également attendue. Celle-ci devrait passer de 3 à 2,5 % en février. Cette baisse sera une bonne nouvelle pour le logement social, car les organismes HLM empruntent de l’argent à la Caisse des dépôts et consignations, et ces emprunts sont basés sur le taux de livret A. Avec un taux plus bas, les HLM paieront moins d’intérêts sur leurs prêts, leur permettant de mieux financer leurs projets de logements sociaux.

Relancer la production de logements

Vue sur une résidence neuve
© Grand Warszawski - Shutterstock

Pour relancer la production de logements, Valérie Létard a rappelé que le PTZ serait étendu à tout le territoire pour les logements neufs (maisons et appartements) et maintenu dans l’ancien dans les zones non tendues.

Parmi les autres propositions, le gouvernement réfléchit à exonérer les droits de succession pour le premier achat d’un logement neuf entre le 1er janvier 2025 et le 31 décembre 2026. Alors qu’une majorité de députés avait soutenu une exonération à hauteur de 150 000 euros en Commission des finances, c’est finalement un 100 000 euros qui est ressorti des débats en séance publique. À ce jour, le montant n’a pas encore été tranché par l’Assemblée.

L’investissement dans la pierre ne doit pas être confiscatoire et nous devons redonner de la respiration à l’investissement privé a déclaré Valérie Létard.

Lire "Immobilier : vers un nouveau statut pour les bailleurs privés ?" sur NantesIMMO9