Lecornu Premier ministre : Létard gardera-t-elle le Logement ?

Gouvernement Lecornu : Valérie Létard va-t-elle conserver son poste de ministre du Logement ?

Nantes - Politique - Hervé Koffel le 12/09/2025

La nomination de Sébastien Lecornu comme Premier ministre le 9 septembre 2025 relance la question de la composition du nouveau gouvernement. Valérie Létard, ministre du Logement depuis décembre 2024, fait l'objet de spéculations sur son maintien au poste, alors que le secteur du bâtiment plaide pour sa reconduction.

Un nouveau Premier ministre face aux défis du logement

L'arrivée de Sébastien Lecornu à Matignon s'apparente à un changement de capitaine en pleine tempête. Nommé Premier ministre le 9 septembre 2025, l'ancien ministre des Armées hérite d'un paysage politique fragmenté où aucune majorité claire ne se dessine à l'Assemblée nationale. Cette instabilité parlementaire plane comme une épée de Damoclès sur tous les dossiers gouvernementaux, le logement en tête.

Dès sa prise de fonctions, Lecornu a annoncé vouloir opérer des ruptures non seulement sur la forme et dans la méthode mais aussi sur le fond , promettant plus de créativité dans le dialogue avec les oppositions. Une approche pragmatique qui prend tout son sens dans le contexte du logement, secteur où les enjeux dépassent largement les clivages partisans traditionnels.

Le nouveau Premier ministre se retrouve face à un héritage lourd : un secteur immobilier en convalescence, des aides publiques sous contrainte budgétaire, et des réformes structurantes comme le statut fiscal du bailleur privé qui attendent leur mise en œuvre. La Fédération Française du Bâtiment (FFB) a d'ailleurs rapidement fait savoir ses attentes, réclamant une continuité des politiques engagées et une stabilité des dispositifs d'aide.

Alors comment maintenir le cap des réformes du logement tout en naviguant dans un contexte parlementaire hostile ? Lecornu fait déjà face à une forte défiance des syndicats et des oppositions, qui menacent de censurer le gouvernement. Cette fragilité politique pourrait influencer ses choix de composition gouvernementale, l'incitant à privilégier des profils consensuels ou à maintenir des ministres ayant fait leurs preuves.

Dans un contexte aussi tendu, la question du maintien de Valérie Létard au ministère du Logement dépasse la simple logique de remaniement. Elle apparaît essentielle pour les attentes d'un secteur qui réclame de la visibilité et de la continuité, après des années de stop-and-go réglementaires qui ont fragilisé la confiance des acteurs économiques.

Valérie Létard : un bilan de 9 mois salué par les professionnels

Depuis sa nomination en décembre 2024, Valérie Létard a mené un marathon réformateur qui force le respect des acteurs du secteur. En neuf mois d'exercice, elle a impulsé un ensemble d'actions et de réformes visant à relancer le secteur du logement malgré un contexte budgétaire particulièrement contraint. Un pari audacieux dans un ministère souvent considéré comme le parent pauvre des finances publiques.

Sa stratégie s'est articulée autour de trois axes principaux qui témoignent d'une vision pragmatique du défi logement.

Premier chantier : la refonte de MaPrimeRénov', ce dispositif d'aide à la rénovation énergétique qui avait perdu de sa superbe face aux restrictions budgétaires. La ministre a orchestré une réouverture du guichet fin septembre 2025 avec une formule allégée, cherchant le juste équilibre entre efficacité énergétique et réalisme financier.

Deuxième bataille menée tambour battant : la transformation des bureaux vacants en logements. Face à la pénurie chronique qui frappe particulièrement les étudiants et jeunes actifs, Létard a commandé deux rapports en 2025 qui ont débouché sur une loi adoptée en juin. Cette réforme lève des freins juridiques centenaires en permettant aux maires de déroger à certaines règles d'urbanisme et d'instaurer un permis de construire réversible. Le potentiel ? Un million de logements neufs selon les estimations officielles.

Troisième front, celui du soutien au logement neuf qui montrait des signes encourageants au deuxième trimestre 2025. La FFB a d'ailleurs salué le travail de Valérie Létard et ne s'opposerait pas à une éventuelle reconduction de la ministre dans le nouveau gouvernement Lecornu. Un satisfecit rare dans un secteur habitué aux critiques.

Létard a su insuffler une dynamique nouvelle en s'appuyant sur une méthode rodée : consultations approfondies avec les acteurs, arbitrages rapides, et communication transparente sur les contraintes budgétaires. Une approche qui tranche avec les promesses en l'air souvent reprochées au monde politique.

Le bilan chiffré parle de lui-même : publication d'un nouveau zonage en septembre 2025 pour mieux classer les communes selon l'offre et la demande, multiplication des décrets et arrêtés pour fluidifier les procédures, et surtout, maintien du cap sur des réformes structurantes.

Dans un univers où les ministres se succèdent souvent sans laisser de traces, Létard a su créer une relation de confiance avec un écosystème complexe, des promoteurs immobiliers aux bailleurs sociaux en passant par les syndics et les architectes.

Valérie Létard restera-t-elle au Logement dans le nouveau gouvernement - Maison en équilibre illustration investissement immobilier
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Les dossiers en cours qui plaident pour la continuité

Au-delà des réformes déjà actées, plusieurs chantiers d'envergure attendent leur point d'orgue dans les prochains mois. Ces dossiers, véritables serpents de mer de la politique du logement, constituent autant d'arguments en faveur du maintien de Valérie Létard à son poste. Car changer de pilote à quelques encablures de l'arrivée pourrait s'avérer contre-productif.

Premier enjeu de taille : le statut du bailleur privé, dispositif fiscal à l'étude depuis de longs mois maintenant, qui permettrait aux propriétaires-bailleurs de bénéficier d'un amortissement fiscal annuel de 5 % pour le neuf et 4 % pour l'ancien, avec des bonus pour les loyers modérés. Une réforme de fond pour relancer l'investissement locatif privé, en forte baisse depuis l'extinction progressive du dispositif Pinel. L'objectif est de l'intégrer au projet de loi de Finances pour 2026 afin que l'entrée en vigueur se fasse le plus rapidement possible..

Dans les faits, l'enjeu dépasse la simple technique fiscale puisqu'il s'agit de redonner de l'attractivité à un secteur essentiel pour répondre aux besoins de logement, particulièrement dans les métropoles tendues. Létard a été vocale sur ce projet depuis ses premiers jours au ministère, tissant les consensus nécessaires avec Bercy et les parlementaires. Un changement de ministre à ce stade pourrait retarder, voire fragiliser, cette réforme très attendue par les investisseurs.

Deuxième dossier chaud : l'accélération de la transformation des bureaux vacants en logements étudiants. Les deux rapports remis récemment à la ministre ont ouvert la voie à des mesures concrètes, mais leur mise en œuvre nécessite un suivi rapproché. Dans un contexte où 120 000 étudiants supplémentaires sont attendus dans l'enseignement supérieur d'ici 2027, ce levier devient nécessaire pour éviter une crise du logement étudiant.

L'argument de la continuité technique prend d'autant plus de poids que ces réformes mobilisent des équipes ministérielles spécialisées, des partenariats avec les collectivités locales, et des calendriers de mise en œuvre précis. Changer de ministre impliquerait mécaniquement une phase d'appropriation des dossiers qui pourrait retarder des échéances déjà serrées, au risque de décevoir un secteur en attente de signaux forts.

Les scénarios possibles pour le ministère du Logement

Dans les coulisses de Matignon, trois hypothèses se dessinent pour l'avenir du portefeuille Logement. Chacune porte ses propres implications politiques et techniques, dans un jeu d'équilibriste où Lecornu doit concilier logique gouvernementale et efficacité sectorielle.

1. La reconduction pure et simple de Valérie Létard

Ce scénario de continuité séduirait indéniablement les professionnels du secteur. Le soutien affiché de la FFB à sa reconduction est clairement un appel du pied du secteur au nouveau chef du gouvernement. Cette solution maintiendrait une dynamique réformatrice éprouvée, et éviterait les traditionnels temps d'adaptation qui ralentissent l'action publique.

Politiquement, Létard présente un profil consensuel qui pourrait rassurer une Assemblée nationale fragmentée. Son parcours de sénatrice centriste et son approche pragmatique des dossiers cadrent bien avec la stratégie de dialogue que Lecornu entend mener avec les oppositions. Reste à savoir si elle accepterait un éventuel changement de statut, passant peut-être d'un ministère à un secrétariat d'État, selon les arbitrages de la composition gouvernementale.

2. La nomination d'un nouveau ministre du Logement

Cette option permettrait à Lecornu d'imprimer sa marque personnelle sur un secteur stratégique. On peut alors se demander quels profils pourraient correspondre : des élus locaux rompus aux questions d'urbanisme, des cadres issus du secteur privé immobilier, ou encore des hauts fonctionnaires spécialisés dans les politiques publiques du logement ?

Un changement de titulaire pourrait aussi répondre à des considérations d'équilibre politique au sein du gouvernement. Lecornu pourrait être tenté de confier ce portefeuille à un représentant d'une autre sensibilité politique, dans une logique d'ouverture destinée à élargir sa base parlementaire. Cette option risquerait cependant de perturber des réformes en cours de finalisation.

3. Le rattachement du Logement à un autre ministère

Cela relèverait alors d'une logique de rationalisation gouvernementale, face aux contraintes budgétaires et à la nécessité de resserrer l'équipe ministérielle. Le Logement pourrait ainsi être intégré au ministère de l'Aménagement du territoire, celui de l'Économie, voire de l'Écologie, selon une logique thématique.

L'avantage théorique ici serait la possibilité de créer des synergies entre politiques connexes, et ce plus facilement. Le rattachement à l'Économie permettrait par exemple de mieux articuler fiscalité immobilière et politique industrielle du bâtiment. D'un autre côté, cela pourrait cependant diluer les enjeux du logement dans des préoccupations plus larges, au moment où le secteur réclame une attention soutenue.

Les observateurs politiques penchent aujourd'hui pour le premier scénario, tablant sur la prudence de Lecornu face à l'urgence des dossiers en cours. Mais dans un paysage politique aussi mouvant, seule la publication officielle de la composition gouvernementale, attendue dans les prochains jours, tranchera définitivement cette question qui agite les professionnels de l'immobilier.

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