Le Conseil d'État interdit à nouveau de louer un logement à hauteur sous plafond de 1m80
Le Conseil d'État, la plus haute juridiction administrative du pays, a annulé la possibilité de louer des logements dont la hauteur sous plafond est de seulement 1,80 mètre. Cette décision intervient en réponse à un décret gouvernemental adopté l'année dernière, modifiant les critères minimums de location.
Si cette mesure visait à élargir l'offre de logements disponibles dans un contexte de pénurie, elle avait rapidement suscité de vives critiques de la part des associations de défense des droits des locataires, telles que Droit au Logement (DAL), qui y voyaient une menace pour la lutte contre les marchands de sommeil.
L'annulation de cette disposition par le Conseil d'État soulève des questions importantes sur l'équilibre à trouver entre la nécessité d'augmenter l'offre de logements et le respect des normes minimales de décence pour les habitations. Il est impératif de surveiller la régulation des conditions de logement en France, en rappelant que la sécurité et la dignité des locataires doivent rester au cœur des politiques publiques en matière d'habitat.
Le décret “marchand de sommeil”
En juillet 2023, le gouvernement français a adopté un décret visant à assouplir certains critères de location pour répondre à la crise du logement qui frappe de nombreuses régions du pays. Ce décret autorisait notamment la mise en location de logements considérés comme "atypiques", c'est-à-dire des logements qui ne respectent pas les normes habituelles de dimension, comme une hauteur sous plafond réduite à 1,80 mètre au lieu des 2,20 mètres auparavant requis.
L'objectif affiché de cette mesure était de rendre disponibles des logements supplémentaires dans un contexte de demande accrue, en exploitant des espaces qui auraient autrement été considérés comme non conformes aux standards classiques.
Cependant, cette initiative a rapidement suscité l'inquiétude des associations de défense des droits des locataires et des organisations de lutte contre le mal-logement. L'association Droit au Logement (DAL) a été l'une des premières à s'opposer vigoureusement à ce décret, surnommé le “décret marchand de sommeil”. En effet, l’association soulignait alors les risques d'insalubrité et l'opportunité qu'il offrait aux marchands de sommeil de contourner les normes en vigueur pour maximiser leurs profits au détriment des locataires. Rejointe par des acteurs tels que la Fondation Abbé Pierre, le Secours Catholique et ATD Quart Monde, la DAL a porté l'affaire devant le Conseil d'État, dénonçant une régression des conditions minimales de logement.
La décision du Conseil d'État
Le 29 août 2024, le Conseil d'État a donc rendu une décision retentissante en annulant une partie du fameux décret qui autorisait la location de logements avec une hauteur sous plafond réduite à 1,80 mètre. Cette décision a été motivée par plusieurs éléments, tant sur le fond que sur la forme, mettant en lumière des failles dans la procédure législative.
L'une des principales raisons invoquées par le Conseil d'État pour cette annulation est l'absence de consultation du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) sur la version finale du décret. Initialement, le texte proposé au HCSP maintenait la hauteur sous plafond à 2,20 mètres, une norme jugée nécessaire pour garantir des conditions de vie décentes et salubres. Toutefois, le texte final adopté par le gouvernement avait abaissé cette hauteur à 1,80 mètre, une modification importante qui aurait dû, selon le Conseil d'État, faire l'objet d'une nouvelle consultation auprès du HCSP. En ne respectant pas cette étape essentielle, le gouvernement a agi en dehors du cadre réglementaire, ce qui a conduit à l'invalidation de cette disposition.
Sur le fond, la décision du Conseil d'État réaffirme la nécessité de maintenir des standards de logement qui garantissent la sécurité et la dignité des locataires. La réduction de la hauteur sous plafond à 1,80 mètre a été perçue comme une mesure dangereuse, susceptible de conduire à la prolifération de logements insalubres, en particulier dans un contexte de crise du logement où les locataires les plus vulnérables pourraient être contraints d'accepter des conditions de vie précaires. Le Conseil d'État a donc estimé que la modification apportée par le décret allait à l'encontre des objectifs de santé publique et de lutte contre le mal-logement.
Cette décision constitue une victoire pour les associations de défense des droits des locataires, qui avaient vigoureusement combattu ce décret.
Une victoire pour l’association Droit Au Logement
La décision du Conseil d'État a immédiatement suscité de nombreuses réactions, particulièrement de la part des associations et organisations qui avaient contesté le décret de juillet 2023. Pour l'association Droit au Logement (DAL), à l'origine du recours, cette annulation a été saluée comme une victoire majeure dans la lutte contre les logements insalubres et les pratiques abusives des marchands de sommeil.
Dans un communiqué, DAL s'est félicité de cette décision, affirmant qu'elle protège les locataires les plus vulnérables en empêchant la mise sur le marché de logements indignes, mais regrette que d’autres dispositions problématiques n’aient pas été annulées du même coup.
"Exit la location de logements en sous-sol, dont les sous-pleix, ceux de 2m20 à 1m80 sous plafond, ceux de moins de 2 m de large, ou en l’absence de vue horizontale sur l’extérieur, d’éclairage naturel dès la 2e pièce …
[...]Il s’agit donc d’une décision de bon sens, qui va bien au delà des demandes du rapporteur public. Les disposition antérieures s’appliquent dans l’attente d’un nouveau décret. C’est une victoire pour les locataires aux mains des marchands de sommeil, petits et grands.
DAL regrette toutefois que n’aient pas été annulés partiellement la 3e section du décret en ce qu’elle autorise la location de logement d’une pièce munis d’un WC à 30 m de distance à vol d’oiseau, permet la location de pièce avec seulement une ventilation mécanique, ou pourrait permettre d’expulser un locataire pour suroccupation."
Communiqué DAL
Les autres organisations impliquées dans la contestation, telles que la Fondation Abbé Pierre, ATD Quart Monde, le Secours Catholique et la Confédération Nationale du Logement (CNL), ont également exprimé leur satisfaction face à cette décision. Pour ces acteurs, l'annulation de cette partie du décret est une reconnaissance du danger que représentaient ces mesures pour les conditions de vie des locataires. Ils ont souligné que cette décision doit servir de rappel à l'État sur l'importance de maintenir des standards stricts pour garantir des logements décents à tous.
Mais une victoire procédurale seulement...
Du côté des experts juridiques, certains ont qualifié cette décision de "victoire procédurale" plutôt que de véritable succès sur le fond. En effet, comme l'a souligné le cabinet Landot & Associés dans un commentaire, le Conseil d'État a principalement annulé le décret pour des raisons procédurales, en raison du défaut de consultation du HCSP. Cela laisse entendre que, bien que la mesure soit annulée, le débat sur l'adaptation des normes de logement en période de crise reste ouvert. Ce cabinet a également critiqué l'administration pour son manquement à suivre correctement les procédures, un manquement qui a finalement conduit à cette situation.