Fiscalité locative : la fin des privilèges du meublé dans le budget 2026 ?

Budget 2026 : Un éventuel rééquilibrage entre location nue et meublée ?

Nantes - Politique - Hervé Koffel le 23/10/2025

Le mardi 21 octobre 2025, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté deux amendements au projet de loi de finances 2026. L'un met à jour l'abattement pour les locations nues, tandis que l'autre concerne la déductibilité de l'amortissement pour les meublés. Un coup de barre qui pourrait bien transformer le marché locatif français... si le budget venait à être voté.

Abattement et amortissement revus pour plus d'équité

L'abattement du régime micro-foncier à 50 %

Le premier amendement traite de l'abattement forfaitaire appliqué au régime micro-foncier, réservé aux propriétaires qui louent nu, qui passerait de 30 % à 50 % des revenus locatifs. Ce dispositif, plafonné à 15 000 € de recettes annuelles, permet de déduire automatiquement la moitié des loyers perçus sans justifier la moindre facture de plomberie ou de ravalement. Pour un propriétaire encaissant 10 000 € par an, la base imposable fond de 7 000 à 5 000 €. Un gain fiscal immédiat qui place enfin la location classique au même niveau que son concurrent meublé.

Si vous avez comme une impression de déjà vu avec cet amendement, c'est parce qu'il a déjà été proposé, et même adopté, l'année dernière dans le cadre du PLF 2025 sous le gouvernement Barnier. Cependant, suite à la censure dudit gouvernement et de son budget, la législature suivante sous François Bayrou n'avait pas retenu l'amendement et les discussions avaient été interrompues.

La fin de la déduction des amortissements en LMNP

Le second amendement, plus radical, concerne la suppression pure et simple de la déductibilité des amortissements pour les loueurs en meublé non professionnel (LMNP) au régime réel. Jusqu'ici, ces investisseurs pouvaient grignoter chaque année une fraction de la valeur de leur bien (murs et mobilier confondus) pour alléger leur note fiscale, parfois jusqu'à effacer totalement l'impôt pendant des années. Cette mécanique comptable, jugée trop généreuse par les députés, disparaîtrait du paysage fiscal dès le 1er janvier 2026, sous réserve du vote définitif en séance publique prévu à partir du 24 octobre.

Les deux amendements ont été défendus par le député socialiste Inaki Echaniz, qui avait notamment porté avec Annaïg Le Meur la loi éponyme, dite "anti-Airbnb" en 2024.

Quand l'avantage fiscal devient distorsion de marché

Cette proposition de réforme achève vingt ans de distorsion fiscale qui a progressivement transformé le paysage locatif français. En effet, le parc locatif nu s'est contracté de moitié en quatre ans. Dans le même temps, la location meublée explosait, dopée par ses avantages fiscaux et l'essor des plateformes comme Airbnb.

Un phénomène qui a vidé les centres-villes de leurs logements longue durée pour les transformer en studios tournants, au gré des séjours touristiques et des mobilités professionnelles.

À Nantes par exemple, où 62 % de la population loue son logement selon l'étude LocService.fr publiée en février 2025, les logements meublés représentent 62 % des locations réalisées dans l'année. Le loyer moyen s'établit à 713 € pour 40,1 m² en moyenne, soit un ratio de 17,78 € par mètre carré. Un marché du logement à Nantes où le meublé domine largement, porté par une demande étudiante soutenue (ils sont environ 63 000 dans l'agglomération) et par des avantages fiscaux qui incitent mécaniquement les propriétaires à privilégier ce type de location plutôt que le nu classique.

La crise du logement en ligne de mire

Derrière ces amendements se dessine une urgence nationale, avec plus de deux millions de personnes attendent un logement social en France. Le marché locatif privé, censé absorber une partie de cette demande, peine à remplir son rôle. La pénurie de logements longue durée s'aggrave, particulièrement dans les métropoles où la compétition entre location classique et meublé touristique atteint des sommets. Les zones tendues, où chaque appartement vacant fait l'objet d'une bataille entre investisseurs, étudiants et jeunes actifs, cristallisent les tensions.

Les députés qui ont voté ces amendements plaident pour une équité fiscale élémentaire : pourquoi favoriser le meublé quand le pays manque de logements stables ? Leur raisonnement tient en quelques mots : rétablir la neutralité fiscale entre les deux types de location, freiner la transformation des logements en meublés de courte durée, et relancer l'offre de biens destinés à la résidence principale. Un pari qui mise sur l'effet dissuasif de la fiscalité pour inverser la tendance et redonner de l'air au marché locatif traditionnel.

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Un budget dans la tourmente : l'avenir des réformes en suspens

Coup de théâtre dans la nuit du 22 au 23 octobre 2025. Après trois jours de débats houleux, la commission des finances de l'Assemblée nationale a massivement rejeté la première partie du projet de loi de finances 2026 (celle qui contient précisément les recettes et donc les amendements fiscaux sur la location). Le vote tranche : 37 voix contre, 11 pour.

Une coalition hétéroclite rassemblant la gauche dans son intégralité, le Rassemblement national et Les Républicains a fait barrage au texte, ne laissant que les députés Renaissance pour le soutenir. Les groupes MoDem et Horizons, eux, ont préféré l'abstention, signe d'un malaise au sein même de l'ancienne majorité présidentielle.

Le rapporteur général Philippe Juvin (LR) a jugé que « le budget tel qu'il est n'est pas crédible », tandis qu'Éric Coquerel (LFI), président de la commission, a parlé d'un « budget patchwork » selon les informations de LCP.

Ce rejet retentissant ne tue pas le texte pour autant. La procédure parlementaire prévoit que l'examen en séance plénière, qui débute le 24 octobre, repartira du projet initial du gouvernement, comme si les travaux de commission n'avaient jamais eu lieu. Les propositions adoptées ce mardi (dont ceux qui touchent à la fiscalité locative) reviennent donc dans la discussion, mais leur sort demeure incertain.

Pour les propriétaires bailleurs qui scrutent l'évolution de la réforme fiscale, cette séquence politique complique singulièrement la lecture de l'avenir. Les deux amendements en question, adoptés en commission, devront donc être à nouveau défendus et votés dans l'hémicycle.

Rien ne garantit qu'ils passeront l'épreuve du scrutin public, surtout si le gouvernement n'obtient pas les ralliements nécessaires. Un vote solennel est prévu le 4 novembre, mais d'ici là, le texte pourrait subir de nouvelles modifications, voire faire l'objet d'un 49.3 (improbable étant donné que le Premier Ministre a confirmé qu'il ne passerait pas le budget 2026 en utilisant ce procédé).

L'incertitude plane donc sur le calendrier d'application de cette réforme qui, si elle faisait partie du budget, était censée entrer en vigueur au 1er janvier 2026. Les professionnels de l'immobilier, les investisseurs et les bailleurs se retrouvent dans l'attente, incapables de trancher entre maintenir leur stratégie actuelle ou anticiper un basculement fiscal dont la date et même la réalité restent hypothétiques. Une situation d'autant plus délicate que les décisions d'investissement immobilier se prennent sur le temps long et nécessitent une visibilité fiscale claire.

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