
MaPrimeRénov' revient ce 30 septembre avec des critères durcis et un quota de dossiers
Le guichet MaPrimeRénov' Rénovation d'ampleur rouvre ses portes ce mardi 30 septembre après une pause estivale pour des raisons budgétaires. Le dispositif phare de la rénovation énergétique revient profondément remanié : moins de dossiers acceptés, plafonds réduits et accès restreint. Une cure d'austérité qui inquiète autant qu'elle interroge sur l'avenir de la transition énergétique des logements français.
Le thermomètre s'emballe, le robinet se ferme
La fermeture du guichet annoncée le 23 juin 2025 n'a surpris personne dans le secteur. Les signaux d'alerte clignotaient depuis des mois. Au premier trimestre 2025, le nombre de logements rénovés via MaPrimeRénov' avait triplé par rapport à la même période en 2024. Une explosion de la demande qui a saturé les plateformes de dépôt et transformé les délais d'instruction en parcours du combattant.
Le budget alloué pour 2025 (3,6 milliards d'euros comme en 2024) s'est révélé largement insuffisant pour absorber ce raz-de-marée. Plusieurs collectivités avaient déjà épuisé leur enveloppe avant l'été, laissant des milliers de ménages modestes sans solution de financement. Le gouvernement a également évoqué la nécessité de « juguler la fraude », phénomène qui s'était développé dans le sillage du succès du dispositif.
Le retour de ce mardi 30 septembre se fera donc sous conditions strictes. Le ministère de la Transition écologique a fixé un quota de 13 000 nouveaux dossiers jusqu'au 31 décembre 2025. Un chiffre qui peut sembler dérisoire au regard de l'afflux constaté en début d'année. Les dossiers déposés cet automne ne seront d'ailleurs instruits qu'au premier trimestre 2026, et leur financement reste suspendu au vote de la loi de finances 202, comme le précise le communiqué officiel du gouvernement.
Autre changement important : le dispositif cible désormais exclusivement les logements les plus énergivores. Seules les passoires thermiques classées E, F ou G au diagnostic de performance énergétique (DPE) peuvent prétendre à l'aide "rénovation d'ampleur'. Les propriétaires de logements mieux classés, qui représentaient une part importante des bénéficiaires, se retrouvent de facto exclus du dispositif.
Un recentrage énergétique qui va de pair avec un recentrage social : dans un premier temps, seuls les ménages aux revenus très modestes peuvent déposer un dossier. Les ménages modestes devront patienter, leur tour viendra selon l'évolution du nombre de demandes traitées.

Des plafonds rabotés, des ambitions revues à la baisse
Le nouveau visage de MaPrimeRénov' se lit d'abord dans les chiffres. Les plafonds de dépenses éligibles ont été divisés par deux, voire davantage selon les projets. Pour une rénovation permettant un gain de deux classes énergétiques (passer d'un DPE F à un DPE D par exemple), le plafond tombe à 30 000 € HT. Pour les travaux plus ambitieux qui font gagner trois classes ou plus, le montant grimpe à 40 000 € HT. Auparavant, ce plafond pouvait atteindre 70 000 € pour les rénovations globales les plus performantes.
Les taux de prise en charge, eux, ont été uniformisés selon quatre catégories de revenus. Les ménages très modestes bénéficient toujours du taux le plus avantageux, avec 80 % du montant des travaux pris en charge. Les ménages modestes peuvent compter sur 60 %, tandis que les revenus intermédiaires doivent se contenter de 45 %. Quant aux ménages aux ressources supérieures, ils ne touchent plus que 10 % du montant éligible. On constate ici la volonté de concentrer l'effort public sur les foyers les plus fragiles financièrement.
L'autre coup de rabot concerne le bonus « sortie de passoire thermique », qui a tout simplement disparu. Ce coup de pouce financier de 10 % du montant des travaux, qui récompensait les propriétaires parvenant à faire sortir leur logement des catégories F ou G, ne figure plus au catalogue des aides. Pour un projet de rénovation globale à 50 000 €, cette suppression peut représenter un manque à gagner de 5 000 €, soit une somme loin d'être négligeable pour des ménages qui jonglent déjà avec des budgets serrés.
Prenons un ménage modeste qui souhaite rénover une maison énergivore pour 45 000 € de travaux. Avec l'ancien barème et un plafond de 70 000 €, il aurait pu prétendre à environ 27 000 € d'aide (60 % du montant). Désormais, avec un plafond ramené à 40 000 € et le même taux de 60 %, l'aide plafonne à 24 000 €.
La différence peut sembler mince sur le papier, mais elle grignote la faisabilité financière de projets déjà complexes à boucler. Pour les ménages intermédiaires et supérieurs, le fossé se creuse encore davantage, rendant certaines rénovations d'ampleur quasiment inabordables sans un apport personnel conséquent.
La parole aux acteurs du secteur
Du côté du ministère de la Transition écologique, le discours reste ferme. La ministre Agnès Pannier-Runacher a justifié le recentrage du dispositif en affirmant que la rénovation énergétique des passoires thermiques reste une priorité, mais il faut cibler l'effort sur les situations les plus critiques et accompagner les ménages modestes
. Le message politique est que face à un budget contraint et à une demande explosive, l'État préfère concentrer ses munitions sur les cas les plus urgents plutôt que de saupoudrer les aides sur un spectre trop large.
Les chiffres officiels donnent une idée de l'ampleur du phénomène. Au 12 septembre 2025, 71 828 rénovations globales avaient été engagées, soit près du double par rapport à la même période en 2024. Cette hausse spectaculaire explique en partie la saturation du système et la nécessité de mettre le dispositif sous cloche pendant plusieurs mois. Mais elle soulève aussi une question plus large : comment absorber une demande aussi forte sans augmenter les moyens budgétaires ?
Sur le terrain, les professionnels du bâtiment expriment leur frustration sans mâcher leurs mots. Dans ses communications de septembre 2025, la Fédération Française du Bâtiment dénonce une « politique de la rénovation énergétique sacrifiée ». Les professionnels du secteur redoutent une chute brutale des commandes. Ces entreprises, souvent des TPE et PME, avaient investi dans la formation de leurs équipes, dans la certification RGE, dans du matériel spécialisé. Elles se retrouvent aujourd'hui face à un marché qui se contracte alors même que les besoins en rénovation énergétique restent colossaux.
La question de la fraude, elle aussi, empoisonne le débat. La Répression des fraudes a relevé des manquements graves chez un tiers des professionnels de la rénovation énergétique
contrôlés en 2024, soit 34 % des 1 000 entreprises vérifiées. Devis trompeurs, équipements de moindre qualité vendus à prix d'or, promesses irréalistes sur les économies d'énergie : les dérives ont explosé avec le succès du dispositif. Plus de 140 procès-verbaux ont été transmis à la justice, et plusieurs condamnations ont déjà été prononcées. Ces pratiques douteuses jettent une ombre sur l'ensemble de la profession et compliquent la tâche des acteurs sérieux, qui doivent désormais regagner la confiance d'un public échaudé.