Objectif ZAN : La France ajoute sa pierre à l'édifice pour le Climat

Objectif ZAN : la France en marche vers une urbanisation durable

Montpellier - Environnement - Hervé Koffel le 17/10/2024

La France a fait un grand pas en matière d'écologie avec l’objectif ambitieux de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) d'ici 2050, inscrit dans la loi Climat et Résilience de 2021. Le but est de réduire l’expansion urbaine en réutilisant les terres déjà artificialisées et en préservant les espaces naturels, agricoles et forestiers. L’artificialisation des sols est un phénomène qui entraîne une érosion de la biodiversité, augmente les risques d'inondation et contribue aux émissions de CO₂.

Atteindre le ZAN d'ici 2050 implique donc une réorientation majeure de l’urbanisme, avec la transformation des friches et des bâtiments vacants en zones de développement, et une densification des centres urbains pour optimiser les espaces déjà bâtis.

Le ZAN incarne ainsi une vision de l’urbanisme qui allie développement et protection de l’environnement. En visant un équilibre durable entre les besoins des populations et la préservation des écosystèmes, la France entend démontrer qu’une urbanisation respectueuse de la planète est non seulement possible, mais également bénéfique pour tous.

Qu’est-ce que l’objectif ZAN ?

L'Objectif de Zéro Artificialisation Nette, souvent abrégé ZAN, est une initiative ambitieuse introduite par la loi Climat et Résilience de 2021. Cette politique vise à limiter l'expansion des surfaces urbanisées sur les sols naturels, agricoles et forestiers, tout en stimulant la revitalisation des espaces déjà artificialisés.

Concrètement, le ZAN cherche à parvenir, d'ici 2050, à un équilibre parfait entre les terres artificialisées et les surfaces renaturées, pour minimiser l’impact environnemental des activités humaines.

Afin d’atteindre l’objectif 2050, la France s'est engagée dans une trajectoire progressive avec un objectif intermédiaire : réduire de moitié la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers d'ici à 2031. Durant la période de référence, entre 2011 et 2021, environ 243 000 hectares de ces espaces ont été urbanisés.

En fixant une cible nationale de 121 568 hectares pour la décennie 2021-2031, l'État prévoit de diminuer cette consommation en soutenant une croissance plus raisonnée et compatible avec la préservation des sols vivants. À terme, les nouvelles constructions ne pourront plus reposer uniquement sur des terres vierges, mais devront prioriser le recyclage urbain, notamment par le biais de friches et de bâtiments vacants.

Pourquoi viser le ZAN ?

L’artificialisation des sols a des effets multiples et souvent désastreux sur l’environnement et les sociétés. En premier lieu, cette expansion urbaine à outrance affecte gravement la biodiversité : chaque hectare de sol artificialisé réduit les habitats naturels, ce qui, entre autres, augmente le risque d'extinction des espèces et dégrade les écosystèmes.

De plus, les terres urbanisées sont incapables de fournir les services écologiques que les sols naturels assurent. Elles stockent moins de carbone, augmentant ainsi la concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère (1ha d’étalement urbain émet entre 190 à 290 tonnes de CO2), et amplifient les risques d'inondations par ruissellement, mettant en danger des vies humaines et des infrastructures.

objectif zan – des mains tenant un arbre en face de mains tenant une ville
©Jacob_09

Sur le plan socioéconomique, l'étalement urbain s’accompagne de coûts élevés pour les collectivités locales et pour les citoyens. Des études montrent que si l’urbanisation des vingt dernières années avait été plus dense, la facture énergétique des ménages pourrait être inférieure de 10 % grâce à des déplacements réduits et à une meilleure proximité des services essentiels.

L’étalement urbain est également associé à des coûts d’infrastructure plus élevés : chaque nouveau quartier exige la création et l'entretien de routes, de réseaux d'assainissement, de distribution d'eau et d’électricité, autant de dépenses qui grèvent les budgets publics. En favorisant une utilisation plus compacte et intelligente des terres déjà urbanisées, le ZAN offre des opportunités d'optimisation financière pour les collectivités tout en limitant les émissions de CO₂.

Comment mettre en œuvre l’objectif ZAN ?

Pour atteindre l’objectif ZAN d'ici 2050, la France a défini une trajectoire progressive en deux grandes étapes. Cela permet d’étaler les efforts de transformation urbaine et de s’adapter aux spécificités des territoires.

Étape 1 : Maîtriser l’étalement urbain d’ici 2031

La première étape, fixée pour 2031, vise à réduire de moitié la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) par rapport à la décennie précédente (2011-2021). En effet, la France consomme chaque année 24 000 hectares de terres naturelles, soit l’équivalent de cinq terrains de football par heure.

Pour atteindre cet objectif de –50% d’étalement urbain à 2031, les régions doivent inscrire des cibles de réduction dans leurs Schémas Régionaux d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires (SRADDET), qui devront être adaptés d’ici novembre 2024.

Ces objectifs seront ensuite déclinés localement dans les Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT) et les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU), qui devront être mis en conformité respectivement d'ici février 2027 et février 2028. Ces documents de planification intègrent les cibles de réduction de la consommation foncière en se basant sur les dynamiques locales.

Étape 2 : Protéger les sols vivants, même dans les espaces déjà urbanisés

Pour atteindre un solde net d’artificialisation égal à zéro, il faut compenser toute nouvelle artificialisation par des opérations de renaturation ou de “désartificialisation”, afin de maintenir une empreinte écologique neutre. L’artificialisation nette sera calculée en déduisant les surfaces renaturées de celles nouvellement urbanisées, et cet équilibre deviendra essentiel pour préserver les fonctions écologiques des sols.

La renaturation des sols passe notamment par la création de parcs et jardins, la restauration de zones humides (cours d’eau etc.), et toute opération de désimperméabilisation des sols urbains.

Pour accompagner cette transition, des indicateurs de suivi seront mis en place au niveau national et local. Ces outils permettront d’évaluer la progression vers le ZAN et de s’assurer que les objectifs sont atteints.

objectif zan – un grand espace vert au milieu d’une ville
(c) Iakov Kalinin - shutterstock
 

Les leviers pour atteindre l’objectif ZAN

Pour atteindre la neutralité dans l’artificialisation des sols, trois leviers majeurs ont été identifiés : la réutilisation des surfaces déjà artificialisées, la limitation des nouvelles constructions sur terres vierges, et la promotion de la densification urbaine.

Mobilisation des surfaces déjà artificialisées

L’optimisation des espaces déjà urbanisés, notamment les friches industrielles et commerciales, est une priorité pour réduire la pression sur les sols naturels. Environ 170 000 hectares de friches en France représentent un potentiel pour des projets urbains qui évitent de consommer de nouvelles terres.

Le fonds friches (750M€ en 2021-2022), soutient la requalification de ces espaces pour y construire logements neufs et infrastructures. Ce recyclage foncier est essentiel pour revitaliser les zones sous-utilisées et créer des quartiers dynamiques sans empiéter sur les espaces agricoles ou naturels (3370 ha de friches recyclées en 2021-2022).

En complément, le fonds d’accélération à la transition écologique des territoires, dit “fonds vert”, apporte 400 millions d’euros par an pour des initiatives de renaturation et de recyclage foncier. Il permet aux collectivités locales de développer des projets transformant les friches en espaces utiles tout en respectant les objectifs de sobriété foncière.

Limitation des nouvelles constructions sur des terres vierges

Le ZAN impose des restrictions pour freiner l’expansion urbaine sur des terres vierges. La limitation des nouvelles zones commerciales à des projets inférieurs à 10 000 m² respectant des critères de sobriété foncière fait partie de ces restrictions. Cette approche incite les entreprises et promoteurs immobiliers à réutiliser des espaces déjà artificialisés pour éviter de détruire des habitats naturels et agricoles.

Les plans locaux d’urbanisme (PLU) des communes incluent désormais des orientations pour privilégier les dents creuses, petits espaces vacants au sein des zones urbaines, afin de répondre aux besoins de développement sans consommer davantage de foncier. Conséquence : un cadre de vie plus dense pour des infrastructures supplémentaires limitées, et des coûts liés aux réseaux et services publics grandement réduits.

Promotion de la densification raisonnée

Ce levier repose sur des mesures incitatives telles que des bonus de constructibilité pour les projets près des transports publics. On réduit ainsi les déplacements et les émissions de CO₂ et on facilite l'accès aux services essentiels. Les PLU prévoient également des outils comme les coefficients de pleine terre pour garantir la présence d’espaces verts dans les zones densifiées.

Les Zones d’Activités Économiques (ZAE) sont aussi concernées par ce mouvement de densification. En périphérie, ces zones souvent sous-utilisées représentent environ 450 000 hectares. Leur requalification permet de transformer des espaces existants en pôles économiques dynamiques et durables. En mobilisant des outils de planification adaptés, les collectivités peuvent optimiser ces zones pour des activités commerciales et industrielles sans artificialisations supplémentaires.

objectif zan – un PLU étalé sur une table
© Matchou – Shutterstock

La territorialisation du ZAN : adapter l’objectif localement

La mise en œuvre du Zéro Artificialisation Nette nécessite une adaptation aux spécificités des différents territoires, afin d’harmoniser les besoins locaux avec les objectifs nationaux de réduction de l’artificialisation des sols. C'est pourquoi avoir une approche territorialisée permet de mieux répondre aux défis écologiques, économiques et démographiques propres à chaque région.

À échelle régionale

Les enjeux liés au ZAN varient bien entendu en fonction des territoires. Dans les grandes métropoles, où la pression immobilière est extrêmement forte, la priorité est de limiter l’étalement urbain en augmentant la densité des zones existantes. À l’inverse, les petites villes et les zones rurales doivent revitaliser leurs centres et préserver les terres agricoles pour soutenir l’autosuffisance alimentaire.

Les zones côtières et les territoires de montagne, confrontés à des risques naturels spécifiques, nécessitent des stratégies de gestion foncière adaptées pour assurer la sécurité de leurs habitants et la protection des écosystèmes.

Il faut donc une certaine flexibilité dans la mise en œuvre du ZAN, et les collectivités locales peuvent ainsi moduler leurs efforts en fonction de leurs propres besoins.

Les outils de territorialisation

Comme nous l’avons mentionné plus haut, les documents de planification régionale seront utilisés pour mettre en place une vraie stratégie de territorialisation du ZAN.

Les SRADDET fixent les orientations générales pour chaque région et répartissent les objectifs de réduction de l’artificialisation selon les spécificités locales. Les SCoT et les PLU, plus détaillés, traduisent ces orientations en zonages précis et en plans d’aménagement, adaptant les priorités de développement et de préservation au niveau communal. Ainsi, les documents d’urbanisme deviennent des outils de contrôle et de suivi de l’artificialisation à chaque échelon territorial.

Les aides et accompagnements financiers pour la transition des communes

L’État français a déployé un ensemble de dispositifs financiers, techniques et fiscaux destinés à aider les collectivités locales à adopter des pratiques d’urbanisme durables.

Soutien financier

Nous l’avons vu précédemment, le fonds friches est une aide qui a permis de recycler plus de 3300 hectares en zones urbaines en 2021. Il est un soutien essentiel pour les projets de reconversion afin de créer des logements et des espaces économiques.

Le fonds vert alloue également un gros budget annuel (environ 400M€) pour financer des projets de renaturation et de recyclage foncier. Dans cette enveloppe, 300M€ sont destinés aux projets de réhabilitation de friches et 100M€ sont réservés aux initiatives de renaturation des villes.

objectif zan – investisseur écolo avec costume de super héro vert
Rawpixel.com

Aides à l’ingénierie et dispositifs publics

Des organismes comme les établissements publics fonciers (EPF), la Banque des Territoires, le Cerema et l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT) offrent une assistance technique aux collectivités pour la réhabilitation des friches et la planification de projets d’urbanisme durable.

On citera notamment des programmes spécifiques tels qu’« Action Cœur de Ville » pour les villes moyennes et « Petites Villes de Demain » pour les petites communes, qui apportent un soutien aux territoires souhaitant revitaliser leurs centres en restant cohérents avec les objectifs ZAN.

En outre, un observatoire national de l’artificialisation des sols est également disponible pour aider les collectivités à suivre leur consommation foncière et à concevoir des stratégies d’urbanisme basées sur des données précises.

Les mesures fiscales en faveur du ZAN

Il convient de constater également que certaines mesures fiscales ont été adaptées en faveur du ZAN ces dernières années dans les lois de finances.

Le dispositif d’investissement locatif Denormandie propose des avantages fiscaux pour la rénovation de logements anciens dans les centres-villes. La taxe sur les logements vacants a été étendue pour inciter les propriétaires à remettre leurs biens sur le marché.

La taxe d’aménagement a aussi été révisée pour favoriser les projets de renaturation et alléger les coûts des projets respectant les critères ZAN. Par exemple, certaines constructions, comme les places de stationnement verticales et les bâtiments réhabilités après dépollution, sont exonérées de cette taxe.

Ces mesures fiscales aident à optimiser l’usage du foncier urbain et à soutenir des projets plus économes en foncier.

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