DPE 2026 : le nouveau calcul délivre 850 000 passoires thermiques

Nouveau calcul DPE 2026 : Un répit pour 850 000 passoires thermiques

Montpellier - Environnement - Hervé Koffel le 04/08/2025

Un simple trait de plume peut parfois remplacer des mètres d’isolant. En modifiant le calcul du DPE à compter du 1ᵉʳ janvier 2026, le gouvernement fait soudain respirer près de 850 000 logements classés F ou G, autant de passoires thermiques qui échappent in extremis aux futures interdictions de location. Annoncée le 9 juillet 2025, la mesure reflète le poids grandissant d’un mix électrique majoritairement décarboné.

Un calcul qui renoue avec la réalité électrique

Au 1ᵉʳ janvier 2026, un nouveau calcul concernant les logements chauffés à l'électricité entrera en vigueur, revalorisant ceux-ci. En d’autres termes, le DPE reconnaîtra enfin que produire de l’électricité en France nécessite toujours moins d’énergie primaire.

Du 2,58 au 1,9 : la longue décélération du coefficient

Adopté en 2006, le coefficient 2,58 reposait sur un mix dominé par les centrales thermiques. La réforme de 2021 l’avait réduit à 2,3 pour mieux refléter la part croissante du nucléaire et des renouvelables. Mais Bruxelles a fixé la barre à 1,9 dans la directive révisée sur l’efficacité énergétique publiée en 2023, valeur par défaut désormais commune aux Vingt-Sept.

Paris choisit aujourd’hui d’embrasser ce standard, estimant qu’il colle « au visage décarboné de notre électricité » selon les dires du Ministère de la Transition Écologique.

Cette baisse de 17 % du coefficient primaire se traduira mécaniquement par une chute équivalente de la consommation conventionnelle d’un logement chauffé à l’électricité : 230 kWh/m² an hier, 190 kWh/m² an demain pour un même usage de 100 kWh d’énergie finale.

Bruxelles impulse, Matignon tranche

La Commission européenne exige une révision du coefficient tous les quatre ans afin de coller au progrès technique et aux objectifs climatiques. Matignon a donc annoncé le 9 juillet 2025 que la France s’alignerait pour corriger une inégalité de traitement pénalisant les logements chauffés à l’électricité . L’arrêté ministériel est attendu pour septembre 2025, après une consultation publique express de six semaines. Une procédure éclair, mais conforme aux textes, qui offre néanmoins un sas de préparation aux diagnostiqueurs et éditeurs de logiciels.

Refonte du DPE : Des chiffres qui font fondre la montagne de passoires

Au détour d’un simple coefficient, le parc français perd d’un coup l’équivalent d’une ville entière de logements énergivores : 850 000 habitations classées F ou G s’éclipsent des radars, presque toutes chauffées à l’électricité. La réforme fonctionne comme une gomme sur la carte thermique : selon l’étude Casam, 91 % des “repêchés” affichent un chauffage 100 % électrique et quasiment un foyer sur deux gagnant une classe se situe tout bonnement dans cette catégorie (source : Journal de l'Agence ).

Le précédent des “micro-logements” : + 140 000 passoires sauvées en 2024

Cette reclassification-éclair n’est pas la première. En effet, depuis le 1ᵉʳ juillet 2024, un ajustement spécifique aux logements de moins de 40 m² a déjà “blanchi” environ 140 000 biens, en pondérant la part d’eau chaude sanitaire dans le calcul de référence. Là encore, Paris et la petite couronne récoltent près d’un tiers du bénéfice, suivies par le Nord et le Rhône.

Addition simple : 850 000 + 140 000 = près d’un million de passoires thermiques « disparues » sans un seul coup de perceuse. De quoi repousser l’horizon d’interdiction pour de nombreux bailleurs, mais aussi relancer le débat sur la sincérité de l’indicateur : artisans et industriels des isolants crient déjà à l’« effet d’aubaine ».

Attention cependant à ne pas confondre changement d’étiquette et confort thermique car la facture d’électricité, elle, restera inchangée malgré le nouveau tampon administratif.

nouveau calcul DPE 2026 - Évaluation de l'efficacité énergétique des bâtiments pour le développement durable
© NicoElNino - shutterstock

La partie du Monopoly où les cases se raréfient

La nouvelle équation du Diagnostic de performance énergétique (DPE) redessine le terrain, mais le sablier réglementaire continue de s’écouler pour les bailleurs. En coulisses, le gouvernement n’a pas assoupli le calendrier d’interdiction : les logements classés G sont déjà « hors-jeu » depuis le 1ᵉʳ janvier 2025 ; ceux classés F suivront en 2028, puis la classe E en 2034. Autrement dit, l’étiquette G effacée par le nouveau calcul pourra sauver un bien… mais seulement si la note finale se hisse au-delà du couperet F.

Un compte à rebours à trois paliers

Le risque évident est un retrait massif de l’offre locative dans les villes tendues (souffrant déjà de pénurie pour certaines) d'ici à la dernière échéance.

Panoplie d’aides : parachute ou mirage ?

MaPrimeRénov’ version 2025 finance jusqu’à 90 % d’une rénovation d’ampleur, avec une avance possible de 70 % pour les ménages modestes et très modestes.

France Rénov'

Le dispositif connaît toutefois un trou d’air : le guichet pour les parcours « accompagnés » reste suspendu jusqu’à la mi-septembre 2025, laissant de nombreux dossiers en attente.

À cette subvention s’ajoute l’éco-PTZ – prêt sans intérêt plafonné à 50 000 €, remboursable sur vingt ans, prolongeable jusqu’à fin 2027. Les deux aides sont cumulables, et l’administration rappelle que l’avance MaPrimeRénov’ peut couvrir l’apport personnel exigé par les banques.

Les propriétaires vendeurs ou bailleurs n’échappent pas non plus à la lorgnette technique : l’audit énergétique est obligatoire depuis avril 2023 pour les étiquettes F et G, il le deviendra pour la classe E en janvier 2025, puis pour la D en 2034. L’exercice, chiffré entre 700 € et 1 200 €, sert de feuille de route aux travaux et conditionne parfois l’obtention d’aides.

 

Un accueil très mitigé de certains professionnels du secteur

Tandis que les propriétaires électriques sabrent une victoire symbolique, les acteurs du terrain de la rénovation dénoncent un « coup de gomme » qui efface les problèmes sans reboucher les fissures.

Un "cadeau à double tranchant" pour les industriels et les artisans

La CAPEB, premier syndicat des entreprises artisanales du bâtiment, voit dans le nouveau coefficient une valorisation automatique des logements chauffés à l’électricité qui risque de détourner les particuliers des chantiers lourds. Son communiqué recense plusieurs dangers : un ralentissement des isolations d’enveloppe, un signal trompeur pour les ménages et une perte de lisibilité du DPE, « décalé de la performance réelle du logement ».

Même ton alarmiste du côté des fabricants de laine minérale (FILMM) et de l’AIMCC, qui déclarent que la mesure affaiblit la politique de rénovation efficace et pourrait freiner des investissements industriels qu’ils chiffrent à plusieurs centaines de millions d’euros.

Les associations de la transition énergétique, emmenées par le réseau CLER et négaWatt, pointent du doigt trois conséquences de cette refonte du DPE :

La première est que les étiquettes DPE des logements chauffés à l’électricité seraient artificiellement améliorées, créant un effet de trompe-l’œil. Propriétaires et locataires croiraient avoir un certain niveau de consommation d’énergie alors qu’il serait en fait plus élevé, tout comme leurs factures. Cela risquerait aussi de fragiliser la confiance dans le DPE.

La deuxième conséquence porte sur les passoires thermiques chauffées à l’électricité : dans ces logements où vivent les plus précaires, la fausse amélioration du DPE enlèverait toute incitation ou obligation de rénovation. On estime qu’environ 1,2 million de logements seraient ainsi sorti artificiellement des classes F et G.

La dernière conséquence concerne le marché des pompes à chaleur (PAC). Comme il serait plus facile d’atteindre une bonne étiquette de DPE avec un simple convecteur électrique, moins cher, on estime que le nombre de PAC à installer d’ici 2030 se réduirait de 1,7 million d’unités.

Mahel Gonsalez-Montreux, chargé de plaidoyer, association négaWatt

Diagnostiqueurs : « Toutes les étiquettes vont bouger, pas les murs »

Thierry Marchand, ex-président du syndicat des diagnostiqueurs (CDI-FNAIM), prévient que la réforme touchera tous les DPE, puisque tous les foyers utilisent l’électricité, ne serait-ce que pour l’éclairage . Selon lui, une consommation de 300 kWh/m² en énergie primaire pourrait passer à 247 kWh/m² sans qu’un seul rouleau d’isolant ne soit déroulé : Les Français chauffés au fioul mais équipés d’un ballon électrique verront aussi leur étiquette s’améliorer , ajoute-t-il dans les colonnes du Figaro Immobilier.

La confiance dans l’outil est également remise en cause, car si l’échelle bouge trop vite, le DPE perd sa valeur de boussole.

Les derniers réglages pour ce nouveau DPE électrique

Tous les logiciels utilisés par les diagnostiqueurs recevront une mise à jour automatique avant la fin 2025, précise la foire aux questions du ministère de la Transition écologique.

Pour les particuliers, un simulateur gratuit hébergé par l’Ademe ouvrira­ juste après la publication de l’arrêté prévue en septembre 2025. Il suffira d’entrer le numéro à treize chiffres de son ancien DPE pour télécharger une attestation corrigée. Cette attestation, reconnue par les notaires et les agents immobiliers, vaudra preuve officielle jusqu’au prochain diagnostic sur place.

Le ministère rappelle que la mise à jour n’exige aucun passage de technicien : le fichier national se recalculera en bloc dès que le coefficient sera modifié dans la base centrale. Les éditeurs de logiciels, eux, disposent d’un délai de trois mois après l’arrêté pour livrer leurs correctifs. Un calendrier « tendu mais tenable », ­résume la Fédération Interprofessionnelle du Diagnostic Immobilier.

2030, prochaine révision européenne du coefficient

La directive (UE) 2023/1791 impose à la Commission de revoir les coefficients par défaut au plus tard le 25 décembre 2026 puis tous les quatre ans par la suite. Un second ajustement pourrait intervenir d’ici 2030, possiblement à la baisse si la part des renouvelables et du nucléaire continue de réduire la dépense d’énergie primaire de chaque kilowattheure.

Paris pourra toujours proposer un coefficient national plus favorable, mais il devra le justifier chiffres à l’appui et le notifier à Bruxelles. Le projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie évoque déjà un horizon à 1,7 si les objectifs de décarbonation sont atteints, sans prendre d’engagement ferme.

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