
Tribequa, le lifting 3.0 du centre de tri postal de Belcier
À deux pas de la gare Saint-Jean, l’ancien centre de tri postal de Belcier s’efface progressivement derrière les silhouettes bois-béton de Tribequa, un programme de 55 000 m² qui mêlera d’ici 2026 logements, bureaux, hôtel et centre de congrès.
Le 16 mai 2025, la ministre du Logement, Valérie Létard, a glissé une visite express du chantier dans l’étape bordelaise de son « Tour de France du logement ».
La métamorphose d'un ancien centre de tri postal mué en quartier mixte à moins de 500 m des quais TGV fais figure d'expérimentation dans la démarche de reconversion des friches et la prise en compte de l'objectif national de zéro artificialisation nette pour 2050.
Un Arrêt Clé du « Tour de France »
Le « Tour de France du logement », lancé par Valérie Létard, est une initiative de remobilisation des forces vives du logement. À chaque étape de ce périple national, la ministre participe aux Comités régionaux de l'habitat et de l'hébergement (CRHH).
L'objectif ? élaborer, d'ici fin juin 2025, des plans régionaux de relance du logement, qui devront apporter des réponses sur mesure aux besoins variés en logements sociaux et privés de chaque territoire.
Sur ce sujet, Bordeaux, où les prix immobiliers ont grimpé de 35 % en cinq ans, est un cas d'étude particulièrement pertinent.
Sous la peau de Tribequa : Un laboratoire bas-carbone et réversible
Tribequa est un laboratoire architectural et environnemental, dont la construction a été lancée au second trimestre 2018.
Le mot “Tribequa” naît du jeu de mots “TRI Postal – BElcier – QUArtier”. Il désigne d’abord la reconversion de l’ancienne plate-forme de tri postal (1,7 ha) située à 500 m de la gare Saint-Jean. C'est un programme mixte d'un secteur stratégique, en pleine requalification, le quartier Belcier.
Architecture hybride et réemploi des matériaux
L'ancien centre de tri postal, une vaste dalle de 1,7 hectare, a servi de base à une structure innovante. L'ossature est mixte : un socle en béton CEM III assure la robustesse, tandis qu'un exosquelette en lamellé-collé permet d'alléger les charges, de raccourcir la durée du chantier et de réduire de 30 % le CO₂ incorporé.
Dans une démarche d'économie circulaire, les façades réemploient 1 200 m² de brique claire récupérée sur le site même. Des garde-corps perforés revisitent le style bordelais des moucharabiehs, apportant une touche esthétique et fonctionnelle. Les toitures sont un exemple d'intégration durable, combinant 2 500 m² de végétalisation et 1 000 m² de panneaux photovoltaïques.
Ces aménagements garantissent un Bbio 15 % inférieur à la RE 2020 pour les logements et une certification BREEAM Excellent pour les bureaux. Le résultat est éloquent : 520 kg CO₂/m² en phase travaux, ce qui représente une amélioration de 35 % par rapport à la moyenne nationale pour des opérations comparables livrées en 2024.
Un programme polymorphe, pensé pour un usage évolutif
Au-dessus du socle, trois îlots s’articulent autour d’une « rue intérieure » qui se prolonge jusqu’à la gare, et d’une place quadrangulaire conçue pour accueillir marchés ou concerts.
Le programme héberge 465 logements (répartis en 40 % accession, 35 % intermédiaire, 25 % social), 11 000 m² de bureaux, un centre de congrès de 1 000 places, 2 500 m² de commerces et un hôtel Tribe by Accor de 190 chambres. Un hub mutualisé offre 600 places de stationnement pour voitures, 1 200 arceaux vélos, mais également une crèche, une recyclerie et une conciergerie.
Les plateaux tertiaires sont pré-câblés pour une réversibilité logement/bureau sur 50 % de leur surface. L’hôtel, lui, prête déjà son rooftop de 238 m² à des acteurs de la culture pour des occupations temporaires. Un tableau de bord énergétique en temps réel, associé à une charte de copropriété incitative, doit pérenniser ces promesses environnementales et d'usage.
La répartition des espaces dans Tribequa a été pensée pour maximiser la synergie entre les différentes fonctions. Le centre de congrès occupera une surface de 5 000 m². L'hôtel, quant à lui, s'étendra sur 4 200 m².
Enfin, les espaces de bureaux totaliseront 10 800 m², prêts à accueillir diverses entreprises et créant ainsi un pôle d'activité économique au sein du quartier. Cette mixité fonctionnelle est l'une des pierres angulaires du concept de Tribequa. Elle doit favoriser les interactions et réduire les besoins de déplacement.
Logements, emplois, carbone : un triple dividende pour Bordeaux
Dans un quartier Belcier où la tension locative atteint 9,55 candidats par logement (indice BailFacile 2025), l’arrivée de 533 logements neufs et diversifiées devrait limiter la progression des loyers de report. Les 229 lots sociaux ont déjà été pré-réservés par les bailleurs, témoignant d’un déficit d’offre abordable. L’accession encadrée représente une passerelle vers la propriété pour les ménages à revenus intermédiaires, souvent exclus du marché libre.
Les bailleurs sociaux ont déjà réservé les 116 logements qui leur sont destinés, et l'observatoire local prévoit une vacance locative inférieure à 2 % d’ici 2026 dans le quartier Belcier, où la demande reste forte. La création de ces logements contribuera à diversifier l'offre et à modérer la tension sur le marché locatif et d'achat, rendant la ville plus accessible à un plus grand nombre de ménages.
La proximité avec la gare Saint-Jean augmente également l'attractivité de ces logements.
Emplois qualifiés et tourisme d’affaires
Le pôle tertiaire de Tribequa accueille un cluster e-santé, une scale-up d’animation 3D et l’opérateur de flex-office FLEX-O, générant près de 900 postes.
L’hôtel et son centre de congrès ciblent le segment MICE (Meetings, Incentives, Conferences, Exhibitions), un marché absent à proximité immédiate de la gare. Gironde Tourisme évalue à 1 M€ la retombée moyenne d’un congrès de taille intermédiaire.
Le rooftop panoramique de l'hôtel, rare à Bordeaux, ajoute un avantage concurrentiel indéniable, offrant un espace unique pour des événements et des réceptions, renforçant ainsi l'attractivité du quartier pour le tourisme d'affaires et de loisirs. La présence de ces nouvelles entreprises et de ces infrastructures dédiées au tourisme professionnel dynamise l'économie locale, attirant de nouveaux talents et de nouvelles activités.
Un modèle bas-carbone exportable

Au-delà de son empreinte carbone réduite (les fameux 520 kg CO₂/m²), le projet innove dans la gestion de l'eau et de l'énergie. Il recycle 80 % des eaux pluviales via un réseau de noues et mise sur la géothermie verticale pour la moitié de ses besoins thermiques. Ces solutions techniques avancées font de Tribequa un exemple en matière de développement durable.
L’État compte s’appuyer sur ce retour d’expérience exemplaire pour lancer, au second semestre 2025, l’appel à projets « Quartiers productifs », destiné à d’autres friches ferroviaires à travers le pays, de Lille à Avignon.
Ce programme vise à encourager la réplication des bonnes pratiques observées à Tribequa, en matière de construction bas-carbone, de mixité fonctionnelle et de réversibilité des espaces, contribuant ainsi à une urbanisation plus respectueuse de l'environnement à l'échelle nationale. L'ambition est de créer un réseau de quartiers exemplaires, chacun s'inspirant des succès de Tribequa pour transformer les friches en pôles de vie et d'activité durables.
Un réinvestissement des tissus urbains existants
À quelques jours de ses premières livraisons, Tribequa incarne les défis majeurs que Bordeaux partage avec de nombreuses autres métropoles. Il s'agit de bâtir sur elle-même pour éviter l’étalement urbain, de mélanger les fonctions (logements, bureaux, commerces) pour réduire les trajets quotidiens, et de neutraliser le carbone dès la pose des fondations.
La venue ministérielle a mis en lumière ce pari audacieux, soulignant son importance non seulement pour Bordeaux, mais aussi comme modèle potentiel pour d'autres agglomérations.
La suite, cet été puis en 2026, dira si la promesse d’un quartier désirable et sobre résiste à l’épreuve des usages et du temps, et si Tribequa deviendra la référence que ses concepteurs et les autorités espèrent. Son succès pourrait bien redéfinir les standards de l'urbanisme durable en France.
Saint-Jean Belcier : un quartier en pleine métamorphose
Tribequa est un programme totem d'un Saint-Jean Belcier du 3e millénaire. En cette année 2025, le secteur plus trivialement nommé "quartier de la gare", situé au sud de Bordeaux, poursuit sa mue. C'est ici que se déroule une transformation majeure, orchestrée par l'ambitieuse opération d'intérêt national Bordeaux-Euratlantique.
Parmi les réalisations qui sautent aux yeux, le pont de la Palombe , mis en service dès juillet 2022, a déjà changé la donne. Il a considérablement amélioré la connexion entre Saint-Jean Belcier et le quartier voisin de Sacré-Cœur, fluidifiant ainsi les déplacements quotidiens.
Le quartier bénéficie également d'un réseau de chaleur écologique des plus performants : il est alimenté à 90 % par l'usine d'incinération des déchets de Bègles.
Une belle illustration de l'engagement de Bordeaux Métropole pour la transition énergétique, prouvant que l'on peut chauffer durablement tout un quartier.
Sur le front de l'immobilier, Saint-Jean Belcier est un véritable chantier à ciel ouvert, avec plusieurs projets majeurs qui transforment son paysage. Dans le quartier Armagnac, des programmes comme Iksso et Explore sont en cours ou viennent d'être achevés. Un peu plus loin, dans le quartier de l'Ars, le projet Quai Neuf ajoute également sa pierre à l'édifice.
Enfin, pour couronner le tout, les berges de la Garonne ont été entièrement requalifiées. Entre le pont ferroviaire et la rue de la Seiglière, de nouveaux espaces publics ont vu le jour, offrant aux habitants des lieux de détente et de promenade. Ces aménagements favorisent les modes de déplacement doux, comme la marche ou le vélo, et invitent aux activités de plein air, contribuant ainsi directement à une meilleure qualité de vie.