Réforme du DPE : 400 000 logements sortent des passoires énergétiques en 2025
Le parc français de passoires thermiques recule de 400 000 unités en un an. Ce repli spectaculaire est cependant surtout dû à un coup de gomme réglementaire : une réforme du DPE qui modifie les règles du jeu pour les petites surfaces et prépare un bouleversement en 2026 avec un nouveau coefficient électrique. Alors que louer un logement classé G devient illégal depuis janvier 2025, la question brûle les lèvres : assiste-t-on à une vraie métamorphose énergétique ou à un simple toilettage des étiquettes ?
Un thermomètre qui descend... sur le papier
La France comptait 5,4 millions de passoires énergétiques au 1er janvier 2025. Un chiffre qui marque un reflux net par rapport aux 5,8 millions recensés douze mois plus tôt. Ces logements classés F ou G au Diagnostic de Performance Énergétique représentent désormais 14,4 % du parc résidentiel hexagonal, selon les données publiées par le Service des données et études statistiques (SDES) du ministère de la Transition écologique en novembre 2025.
Derrière ce recul de 400 000 unités se cache une réalité moins glorieuse qu'il n'y paraît. La réforme méthodologique du DPE, entrée en vigueur en février 2024, explique à elle seule 160 000 sorties de la catégorie des passoires thermiques. Soit 38 % de la baisse totale. Ces logements, principalement des appartements de petite surface, ont bénéficié d'un ajustement des seuils de calcul qui corrige une anomalie : les studios et deux-pièces subissaient jusqu'alors une pénalité mathématique liée à leur superficie réduite.
Le reste de la diminution (environ 240 000 logements) mêle plusieurs facteurs. Des rénovations effectives, certes, mais aussi des « effets de comportement » des diagnostiqueurs et propriétaires, comme le note prudemment le SDES. Traduction : certains ont pu anticiper la réglementation en réalisant leur DPE avant l'interdiction de location, quand d'autres ont choisi de sortir du marché locatif plutôt que d'investir dans des travaux.
Le Diagnostic de Performance Énergétique évalue un logement sur deux critères. D'abord sa consommation d'énergie primaire, exprimée en kilowattheures par mètre carré et par an (kWh/m²/an). Cette énergie primaire intègre les pertes liées à la production et au transport de l'électricité, d'où l'application d'un coefficient multiplicateur.
Ensuite, le DPE mesure les émissions de gaz à effet de serre (GES), en kilogrammes équivalent CO₂ par mètre carré et par an (kgEq. CO₂/m²/an). C'est la note la plus mauvaise des deux qui détermine la classe finale, de A (logement très performant) à G (passoire énergétique). Un bien peut donc afficher une faible consommation mais écoper d'un mauvais classement à cause de son mode de chauffage carboné.
2026 : le grand lifting pour les radiateurs électriques
Ces 400 000 passoires thermiques en moins ne sont que le début, puisqu'une autre réforme du DPE est sur le point d'entrer en vigueur. Au 1er janvier 2026, le coefficient de conversion de l'électricité passera de 2,3 à 1,9. Cette bascule, loin d'être anodine, va métamorphoser l'étiquette énergétique de 700 000 à 850 000 logements chauffés à l'électricité. L'estimation initiale a été légèrement révisée à la baisse après actualisation du parc immobilier au 1er janvier 2025, mais l'impact demeure colossal.
Concrètement, un appartement de 80 m² équipé de convecteurs électriques et classé F pourrait bondir directement en catégorie D. Gain potentiel : deux échelons sur l'échelle énergétique. Cette décision politique a été prise dans le but de mieux prendre en compte la décarbonation progressive du mix électrique français, où la part du nucléaire et des renouvelables réduit l'empreinte carbone par kilowattheure consommé. Là où le coefficient 2,3 pénalisait fortement l'électricité, le nouveau barème de 1,9 (soit une baisse de 17,4 %) rétablit un équilibre face aux énergies fossiles.
Les propriétaires de logements chauffés au fioul ou au gaz ne verront, eux, aucune amélioration automatique. Le curseur se déplace pour orienter les aides publiques et les efforts de rénovation vers les véritables gouffres énergétiques carbonés. Bonne nouvelle pour les DPE récemment réalisés : ceux établis en 2025 pourront être mis à jour gratuitement pour intégrer le nouveau coefficient, sans refaire l'intégralité du diagnostic.
Le calendrier des paliers d'interdiction de location des passoires thermiques
Depuis le 1er janvier 2025, proposer à la location un logement classé G expose le propriétaire bailleur à un délit. Le DPE, devenu opposable juridiquement en 2024, s'accompagne désormais de contrôles renforcés. Chaque diagnostic porte un QR code d'authentification destiné à lutter contre les fraudes, tandis qu'un plafond annuel limite le nombre de diagnostics réalisables par professionnel. La mesure touche directement l'ensemble de ces passoires énergétiques encore présentes dans le parc.
Les logements classés F, eux, basculeront dans l'interdiction au 1er janvier 2028, puis ce sera le tour des biens étiquetés E en 2034. Une progression graduée pour éviter un effondrement brutal de l'offre locative, tout en maintenant la pression sur les propriétaires. La stratégie gouvernementale est à la fois d'inciter aux rénovations, et de laisser le temps d'absorber les sorties du marché via les changements méthodologiques successifs.
Les bailleurs se retrouvent face à un choix cornélien :
- Première option : entreprendre des travaux de rénovation énergétique, avec un coût moyen oscillant entre 25 000 et 60 000 € selon la vétusté du bien et l'ampleur des interventions, mais obtenir un DPE équivalent à celui d'un logement neuf.
- Deuxième option : vendre le logement, quitte à décote sur un marché où les acheteurs deviennent plus exigeants.
- Troisième option : retirer le bien du marché locatif pour le conserver en résidence secondaire ou le laisser vacant. Cette dernière option, contre-intuitive en période de tension locative, pourrait néanmoins séduire certains propriétaires découragés par l'investissement requis.
| Classe DPE | Interdiction de location | Logements concernés |
|---|---|---|
| G (très mauvaise performance) | Depuis le 1er janvier 2025 | ~1,8 million |
| F (mauvaise performance) | À partir du 1er janvier 2028 | ~3,6 millions |
| E (performance moyenne) | À partir du 1er janvier 2034 | ~4,8 millions |
Le risque pour le marché locatif demeure réel, puisque ans les zones tendues où la demande excède déjà l'offre, chaque retrait de bien aggrave la pénurie. Certains observateurs redoutent un effet pervers : la raréfaction de logements disponibles pourrait tirer les loyers à la hausse pour les biens conformes, pénalisant les locataires que la loi prétend protéger de la précarité énergétique. Un paradoxe que les pouvoirs publics tentent d'atténuer en maintenant des dispositifs d'aides à la rénovation, mais dont l'efficacité se heurte aux capacités d'investissement limitées des petits propriétaires.