
Quel sera le nouveau visage de la tour de Bretagne ?
Vestige du patrimoine nantais, la tour de Bretagne va profiter d'un lifting radical dans les années à venir. Logements neufs, terrasses panoramiques, activités solidaires et culturelles... La tour a été entièrement repensée pour offrir un nouvel espace de vie et d'échanges aux habitants et sera livrée horizon 2029. Mais à quoi va donc ressembler la tour de Bretagne après sa mise à jour ? Focus.
L'histoire de la Tour de Bretagne
Une tour née d'une vision moderniste
Dans les années 1960, Nantes, désignée comme "métropole d'équilibre", envisage de marquer sa modernité par la construction d'une tour. L'architecte Claude Devorsine et l'ingénieur Marcel André conçoivent ainsi un gratte-ciel de 144 mètres, érigé entre 1971 et 1976, sur les ruines du quartier du Marchix, détruit pendant la Seconde Guerre mondiale. Avec ses 41 étages et 80 000 tonnes de béton et d'acier, la Tour de Bretagne devait incarner la puissance économique de la ville.
Une réception mitigée
À son inauguration en 1976, la tour ne suscite pas l'enthousiasme escompté. Jugée démesurée et inadaptée au tissu urbain nantais, elle est rapidement qualifiée "d'erreur" et de "symbole de l'arrogance et de l'argent". Les espaces commerciaux prévus restent vacants, et seuls des services municipaux et des administrations s'y installent pour remplir les 16 000 m² disponibles.
Une restructuration annoncée
C'est en 2017 que les ennuis commencent vraiment pour la Tour Bretagne. Des traces d'amiante sont détectées dans les systèmes de désenfumage, entraînant des travaux de sécurisation partielle. Mais un an plus tard, de nouvelles détections rendent la situation intenable : le désamiantage complet devient inévitable, et implique une évacuation totale du bâtiment.
Face à un immeuble largement déserté - plus de 80 % des bureaux inoccupés fin 2019 – les copropriétaires commandent une étude sur l'avenir de la tour. Trois scénarios sont envisagés : une intervention technique ciblée, une rénovation des parties communes, ou une transformation radicale du bâtiment. En janvier 2020, l'assemblée générale tranche : il faut engager une réhabilitation complète, sous peine d'inexploitabilité.
Le 25 mai 2020, la décision est actée : la Tour Bretagne sera entièrement repensée. Fermée pour une période de 5 à 10 ans, elle passera entre les mains des groupes immobiliers Giboire et Lamotte. Objectif : réinventer sa vocation, son architecture, et son utilité au cœur de la ville.
Créée dans les années 1970 pour accueillir des bureaux, cette tour est aujourd'hui une friche urbaine en plein centre-ville, et en plus polluée. Ce sont autant de mètres carrés libres que nous pouvons reconvertir pour réparer la ville et la reconstruire sur elle-même en accord avec les impératifs écologiques.Johanna Rolland, maire de Nantes
Les grands axes du projet de la Tour de Bretagne
Une tour plus claire et plus élancée
Fini la façade marron et l'allure austère : la Tour Bretagne s'apprête à changer de peau. L'imposante silhouette des années 1970 va troquer son enveloppe sombre contre une façade plus claire, élancée et résolument contemporaine. Aux commandes de cette transformation, les agences PCA-Stream et Magnum ont fait le choix de conserver l'architecture originelle tout en la sublimant.
Nous étions face à un monument ambigu, suscitant chez les Nantais un sentiment d'amour-haine même si la tour possède indéniablement des qualités, notamment son élancement. Plutôt que de l'épaissir pour gagner des mètres carrés, nous sommes restés frugaux en termes de travaux et de volumétrie.
explique Philippe Chiambaretta, architecte en chef du projet.
Le matériau vedette de cette métamorphose ? L'aluminium recyclé, choisi pour sa légèreté, sa durabilité et son esthétique subtile. Sa teinte évoluera au gré de la lumière naturelle, offrant à la tour un camaïeu mouvant du blanc à l'argenté, voire à l'orangé au coucher du soleil. Une manière de faire vibrer la façade en harmonie avec le ciel nantais, et d'ajouter une touche presque magique à cette figure du skyline local.
Les lignes verticales seront accentuées pour renforcer l'élancement naturel du bâtiment, donnant l'illusion qu'il s'étire un peu plus encore vers le ciel. Pas question ici de gonfler les volumes ou d'ajouter du superflu. L'intervention sera frugale, écoresponsable et éloignée du geste gratuit
assure l'architecte. Juste une relecture élégante d'un édifice longtemps décrié, devenu aujourd'hui le théâtre d'une renaissance assumée.
Un bâtiment plus sobre
Plus qu'une rénovation, la tour s'apprête à devenir un modèle de sobriété énergétique et de reconversion bas carbone. Oubliez la tour énergivore des années 1970 : à l'heure de la transition écologique, le groupe Giboire, accompagné des agences PCA-Stream et Magnum, en fait un manifeste environnemental en plein coeur de Nantes.
Premier choix fort : pas de démolition-reconstruction, mais une réhabilitation lourde, pensée pour préserver les ressources et limiter drastiquement l'empreinte carbone du chantier. À la clé, une économie estimée à 14 000 m3 de béton et 1 600 tonnes d'acier, soit près de de 7 000 tonnes de CO₂ épargnées – l’équivalent de 32 millions de kilomètres en voiture ou encore des émissions annuelles de 875 Français.
Recours aux écomatériaux
Le projet mise à fond sur le réemploi des matériaux issus du bâtiment existant : 166 tonnes pourront être réutilisées. L'architecture bioclimatique, la ventilation naturelle des logements via des baies ouvrantes, le recours aux écomatériaux et l'isolation par l'extérieur complètent un cocktail d'innovations qui font la chasse au gaspillage énergétique.
Recours aux énergies renouvelables
Côté énergie, la tour tournera la page des énergies fossiles. Elle sera raccordée au réseau de chaleur urbain de Nantes Métropole, alimenté à 84 % par des énergies renouvelables et de récupération locale, comme la biomasse ou l'incinération des déchets. Un système intelligent de récupération de chaleur, notamment via les eaux grises des logements et de l'hôtel, permettra de produire une partie de l'eau chaude sanitaire.
Autre avancée : un système thermique innovant redistribuera les calories entre les différentes zones du bâtiment selon les besoins, grâce à des pompes à chaleur couplées à un système de régulation intra-tour. L'objectif est de supprimer tout recours aux énergies fossiles et de faire de la Tour Bretagne un bâtiment décarboné, durable et à haute performance énergétique.
200 logements prévus
À l'intérieur de la tour, les anciens plateaux de bureaux des années 1970 laisseront place à environ 200 logements, répartis sur une trentaine d'étages. La majorité des ces appartements seront dotés de loggias, offrant un prolongement extérieur aux espaces de vie et une ouverture précieuse sur la ville. Une transformation radicale, qui illustre la volonté de réinventer l'usage de la tour en la rendant habitable et adaptée aux modes de vie d'aujourd'hui.

Un pied de tour réinventé avec un hôtel, un restaurant et un refuge pour la biodiversité
La transformation de la tour ne s'arrête pas à son sommet. Au niveau du sol, c'est tout un quartier qui va être réanimé, avec l'arrivée d'un nouvel ensemble hôtelier et paysager sur l'actuel parking souterrain privé.
Le long de la rue de l'Arche-Sèche, un bâtiment flambant neuf viendra épouser la base de la tour. Il accueillera un hôtel 4 étoiles écoresponsable, labellisé Clé verte, avec une centaine de chambres. En bonus, un restaurant panoramique, doté d'une grande terrasse ouverte au public, offrira une vue imprenable sur les toits nantais. L'ambition du projet est de faire ce lieu un nouveau point de vie et d'animation pour les Nantais et les visiteurs.
Autour de cet ensemble, les espaces publics seront entièrement repensés pour favoriser les circulations douces et recréer des parcours urbains agréables. Un escalier piéton sera aménagé entre la rue de l'Arche-Sèche et la rue du Pont-Sauvetout pour reconnecter le secteur de la place du Cirque à son environnement.
Mais la grande nouveauté, c'est l'ouverture à la nature. Le projet entend corriger le caractère minéral de l'existant en y injectant de la biodiversité. Des toitures végétalisées, des façades habillées de plantes grimpantes, des nichoirs à oiseaux et des abris pour insectes ponctueront l'architecture. Des plateformes seront même installées pour accueillir les faucons pèlerins.
Une terrasse végétalisée suspendue sur la ville
C'est l'annonce que beaucoup attendaient : le sommet de la Tour de Bretagne sera de nouveau accessible au public. Johanna Rolland, maire de Nantes, l'a confirmé avec enthousiasme : Les Nantaises et les Nantais pourront bientôt retrouver le plaisir de contempler leur ville depuis les hauteurs
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Les 33ème et 34ème étages, aujourd'hui occupés par des installations techniques, seront entièrement réaménagés pour accueillir un espace culturel et convivial, dans l'esprit de l'ancien bar Le Nid. Cerise sur le gâteau : un belvédère panoramique perché à 107 mètres dominera la place de Bretagne. Bonne nouvelle : cet espace sera gratuit et ouvert à tous, promet la Ville.
Mais avant de pouvoir prendre de la hauteur, il faudra un peu patienter. Les travaux démarrent en cette année 2025, avec une première phase dédiée au curage et au désamiantage complet de l'immeuble. Suivra une transformation d'envergure, qui s'étalera jusqu'en 2029, date à laquelle la Tour Bretagne dévoilera enfin son nouveau visage.
À l'arrivée, une skyline réinventée pour Nantes, et un point de vue unique sur la Cité des Ducs, l'agglomération et l'estuaire.
Les activités économiques de la future Tour de Bretagne

L'équipe en charge du projet n'a pas délaissé la dimension économique. Sur l'actuel emplacement du parking souterrain, un nouveau bâtiment de 8 étages verra le jour, avec un accès direct depuis la place du Cirque.
En plus d'un hôtel 4 étoiles et d'un restaurant panoramique, la tour accueillera d'autres activités.
Un nouvel ancrage pour le centre culturel breton
Du côté de la place de Bretagne, le socle de la future Tour Bretagne accueillera un large éventail d'usages : 400 m² de surfaces commerciales, 1 500 m² dédiés aux bureaux et au coworking, mais aussi un espace original de 1 000 m² en "jauge libre", mis à disposition de projets à vocation sociale et culturelle.
Nous allons faire rayonner la culture bretonne au sens large. Il y aura une boutique, des initiations à la langue, des ateliers, des conférences, des dédicaces d'auteurs et pourquoi pas des concerts
se réjouit Sylvie Boisnard, présidente de l'association.
Et un nouvel espace pour l'économie sociale et solidaire
C'est un vent nouveau qui souffle sur l'économie sociale et solidaire à Nantes. Le réseau des Ecossolies, qui fédère plus de 600 structures engagées, s'offre un second lieu totem au cœur de la ville. Installé dans un espace de 600 m² au pied de la future Tour Bretagne rénovée, ce nouvel emplacement viendra compléter l'activité du Solilab sur l' île de Nantes avec un objectif clair : renforcer les synergies et la visibilité de l'ESS auprès du grand public.
C'est un vrai tournant pour nous
se réjouit Geoffroy Verdier, coprésident des Ecossolies. On va mutualiser tout ce qui sera commun à nos deux projets. Par exemple, les salles pour les événements. Il y a l’envie d’avoir une vitrine pour les Nantais et les touristes. L’enjeu économique de ce lieu, c’est qu’il fasse le plein comme au Solilab
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Pour la maire et la présidente de Nantes Métropole, cette implantation symbolise une volonté forte : donner à l'économie sociale et solidaire toute sa place dans la ville de demain L'ESS représente déjà 16 % de l'économie locale. Ce nouvel espace vient mettre en lumière des activités à impact positif, utiles, durables, et qui renforcent le lien social
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Qu'en pensent les Nantais ?
Longtemps boudée, la transformation de la Tour de Bretagne semble faire l'unanimité auprès des Nantais, enthousiastes et impatients de ce changement.
Nantes Métropole est allée à la rencontre des riverains et voisins de longue date de la tour, comme Rémi Aubertin, gérant de la boutique La Mauvaise Herbe :
La nouvelle silhouette me convient parfaitement. En même temps, ça ne pouvait qu'être mieux. La tour actuelle est vraiment horrible, c'est une tâche dans le paysage nantais.
Jeanine, 90 ans et voisine historique de la tour se réjouit de la contempler quotidiennement depuis son balcon : Elle fait partie de la ville, je ne voulais pas qu'on la démolisse mais il fallait la faire évoluer car la couleur actuelle est triste. Elle sera beaucoup mieux plus claire.
Sarah et Sara, deux étudiantes nantaises saluent l'utilisation de l'aluminium recyclé qui va apporter de la modernité et lui permettre de se fondre dans le paysage alors qu'elle fait datée actuellement
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Philippe, riverain, est également séduit par les images de la future tour et y voit même un côté "art déco" et "new-yorkais" : Ce sera mieux qu'aujourd'hui. Encore hier, un ami de passage me disait que la tour était affreuse... Et pourtant, c'est plutôt quelqu'un de gentil !
Quel coût pour le projet ?
La Tour de Bretagne est une copropriété. Et comme dans toute copropriété, les travaux sont à la charge des propriétaires. Dans ce cas précis, c'est le groupe immobilier Giboire, désormais majoritaire avec 77 % des parts, qui prend les rênes financières du chantier. Le coût total de la réhabilitation est de 135 millions d'euros, financés par les fonds propres du groupe et des emprunts bancaires.
La Ville de Nantes et sa métropole, copropriétaires à hauteur de 19 %, apportent également leur pierre à l'édifice. D'abord en cofinançant la phase de dépollution avec 1,5 millions d'euros, aux côtés de l'État qui verse 3,5 millions via le Fonds vert. Ensuite, la métropole participera à l'aménagement des espaces accessibles au public (le belvédère, le futur lieu culturel et les locaux destinés aux activités solidaires), à la hauteur de sa quote-part.